L’urgence climatique a remis les trains de nuit au goût du jour! En 2022, près de 500 000 clients des CFF ont utilisé ce mode de transport bien moins polluant que l’avion. Vincent Kaufmann, professeur d’analyse de mobilités à l’EPFL brosse toutefois un tableau critique de l’offre actuelle. «Elle est clairement sous dimensionnée par rapport à la demande. Au niveau du réseau, il manque des lignes vers le sud et l’ouest de l’Europe, notamment en direction de l’Italie, de la France et de l’Espagne. Et il n’y a aucun train au départ de la Suisse Romande, ce qui est difficilement compréhensible.»
En effet, les liaisons actuelles se font uniquement depuis Zurich et Bâle en direction de villes du nord et de l’est du continent. Les CFF ont une explication pour ce Röstigraben ferroviaire: «Les trains de nuit actuels sont exploités par les chemins de fer autrichiens (ÖBB) ou d’autres partenaires tchèques, hongrois et croates, explique Sabrina Schellenberg, porte-parole. Ils doivent impérativement retourner dans ces pays pour être entretenus, car c’est impossible en Suisse.» Zurich constitue ainsi un relai entre l’Allemagne et l’Autriche. «En vertu du concept de circulation sur quatre nuits, un train venant, par exemple, de Vienne arrive à Zurich le matin, part ensuite à Hambourg, revient le lendemain à Zurich et retourne la nuit suivante à Vienne où l’entretien est effectué.» Pas question de faire un crochet par Genève ou Lausanne. Selon les CFF, le temps de voyage s’en trouverait excessivement rallongé, le trajet jusqu’à Zurich est beaucoup plus rapide avec l’IC1 et la ligne vers les principales villes romandes est surchargée.
Rome et Barcelone: en attente
Il y a une quinzaine d’années pourtant, l’offre incluait des départs depuis la Suisse romande en direction de villes françaises, italiennes et espagnoles. Mais les prix cassés des compagnies aériennes low cost et le développement des lignes de jour à grande vitesse ont signé la fin de la plupart des convois nocturnes en Europe. «Seuls les ÖBB ont continué d’y croire et ils sont maintenant en avance dans le domaine», relève Yves Chatton, chargé de projet à l’Association transports et environnement (ATE).
Pour leur retour dans le circuit nocturne, les CFF ont noué un partenariat avec les ÖBB, et bénéficié de leur réseau vers le nord et l’est de l’Europe. En 2020, les deux partenaires avaient annoncé leur volonté de créer des liaisons vers Rome et Barcelone, avec des arrêts à Lausanne et Genève pour la capitale catalane. Comme les trains de nuit peinent à être rentables, les CFF comptaient sur la loi révisée sur le CO2 pour financer ces projets, le texte prévoyant un soutien pouvant atteindre 30 millions de francs par an. Mais il y a eu un hic: la loi a été refusée par le peuple en juin 2021, à la suite d’un référendum de l’UDC. Une nouvelle loi sur le CO2 est en discussion aux Chambres fédérales. Le Conseil des Etats l’a adoptée sans opposition en septembre. Le National devra se prononcer à son tour. La création des deux lignes reste dépendante de son adoption définitive.
Le Portugal? Trop loin!
Les CFF n’ont pas d’autres projets pour le sud et l’ouest de l’UE. «Le Portugal n’est pas accessible en une nuit depuis la Suisse, explique l’ex-régie fédérale. Londres a des exigences très spécifiques pour le matériel roulant et les contrôles douaniers au départ des convois que nous ne pouvons pas satisfaire à l’heure actuelle.» Et la France? Paris et Marseille constituent des destinations de jour, soutient l’ex régie fédérale, qui relève que la Ville Lumière peut être atteinte en 3 heures environ depuis Genève.
En attendant Rome et Barcelone, les CFF font face à d’autres problèmes. Les trains de nuit ont été victimes de leur succès, cet été, avec des wagons bondés, des retards, des annulations, etc. (lire encadré). Autant d’événements qui mettent en lumière les difficultés inhérentes à la renaissance de ce mode de transport. Après des années de disette dans le secteur, les industriels peinent à suivre la demande. La révision des voitures-lits et couchettes des ÖBB a pris du retard à cause d’une carence de personnel et de pièces de rechange, confie Sabrina Schellenberg. La compagnie manquait de wagons de réserve pour faire face aux pannes qui en ont résulté. Les CFF admettent qu’ils «ne sont pas satisfaits de la qualité actuelle de leur offre». Ils promettent de tout mettre en œuvre avec leurs partenaires pour améliorer la situation.
Sébastien Sautebin
Une mauvaise expérience
Carole (nom d’emprunt) et son mari ont vécu un retour pénible depuis Amsterdam, cet été. «Le compartiment était surchauffé, la couchette du dessus était proche du plafond et les échelons du haut manquaient», confie notre lectrice fribourgeoise. Et le couple n’était pas au bout de ses surprises: «Le soir, nous avons commandé des sandwichs. Le responsable est revenu en nous disant qu’il n’y avait rien à manger. Notre wagon ne comptait qu’un WC, sans savon. Nous sommes arrivés avec deux heures de retard. Tout ça pour près de 300 fr. l’aller simple. Nous avons pris le parti d’en rire, mais un couple d’amis a promis qu’on ne l’y reprendra plus.».
Une mauvaise expérience
Carole (nom d’emprunt) et son mari ont vécu un retour pénible depuis Amsterdam, cet été. «Le compartiment était surchauffé, la couchette du dessus était proche du plafond et les échelons du haut manquaient», confie notre lectrice fribourgeoise. Et le couple n’était pas au bout de ses surprises: «Le soir, nous avons commandé des sandwichs. Le responsable est revenu en nous disant qu’il n’y avait rien à manger. Notre wagon ne comptait qu’un WC, sans savon. Nous sommes arrivés avec deux heures de retard. Tout ça pour près de 300 fr. l’aller simple. Nous avons pris le parti d’en rire, mais un couple d’amis a promis qu’on ne l’y reprendra plus.».