On les appelle «chaufferettes», «parasols» ou «champignons chauffants». Pour la deuxième année consécutive, les ventes de ces radiateurs extérieurs décollent en Suisse. Pas seulement auprès des restaurateurs, mais aussi des particuliers. Depuis l’hiver 2020, grandes enseignes et plateformes d’e-commerce en écoulent des milliers de plus qu’avant l’arrivée du Covid 19.
Les quantités exactes ne sont presque jamais divulguées, pour des raisons de concurrence. Le leader du marché en ligne suisse, Digitec-Galaxus, constate une nouvelle hausse des ventes de 25%, cet hiver, après un boom de 180% à la fin de 2020. Son concurrent, brack.ch, note une progression de 380% pour 2020, puis une stabilisation.
Les particuliers n’y ont pas droit
MediaMarkt, Fnac, Jumbo, Migros, Coop, Hornbach, Conforama... Ces grandes enseignes proposent des chaufferettes, au moins sur leur portail. Et la plupart confirment des ventes en hausse. Les plateformes enjoignent les particuliers à opter pour une chaufferette à gaz ou électrique. Certaines comme fnac.ch ont créé des pages incitant à Être au chaud même dans son jardin. Sur microspot.ch, Galaxus ou conforama.ch, les ménages sont parfois la cible de promotions sur ces appareils pourtant… interdits d’utilisation!
Mauvais pour l’environnement
La plupart des cantons n’autorisent, sauf cas particuliers, que les chauffages en plein air utilisant des énergies renouvelables. Une chaufferette allumée quatre heures par jour durant cinq mois de froid, consomme environ 1200 kW/h. Soit la moitié de la consommation annuelle d’un ménage dans un quatre pièces avec cuisinière électrique! Un très mauvais point pour l’environnement, un autre pour la facture d’électricité... Pour les engins à gaz, gros émetteurs de CO2, le bilan est encore pire.
Les chaufferettes électriques des terrasses publiques ont été autorisées temporairement dans divers cantons, en guise de soutien aux restaurateurs, rappelle la Conférence des directeurs cantonaux de l’énergie. C’est le cas presque partout en Suisse romande, jusqu’au printemps. Mais ce régime d’exception ne concerne pas les particuliers.
Coûteuses alternatives
Les commerces n’ont pas pour rôle d’informer sur la législation et ne sont soumis à aucune interdiction de vente au niveau fédéral. Gare à ne pas vous retrouver avec un appareil à 400 fr. ou 500 fr. sur les bras, dont l’utilisation est interdite... Vous éviterez de grossir les rangs des chaufferettes quasi neuves et peu écologiques proposées sur anibis.ch, ricardo.ch ou Facebook Market.
Quelle solution économe en énergie, alors pour chauffer sa terrasse? Les systèmes à éthanol sont réputés peu efficaces. Restent ceux à pellets, pour autant que l’on utilise des bâtonnets de bois suisse. Inconvénient: ils coûtent beaucoup plus cher que les autres appareils: jusqu’à 3500 fr. pour ceux produits avec des matériaux 100% Suisse. «Le client y gagne sur le long terme en payant des sacs de pellets à 5 fr. au lieu de bombonnes de gaz à 40 fr. et de lourdes factures d’électricité», nuance Kevin Dabronyi, de l’entreprise Edelsun, qui a plus que doublé ses ventes aux restaurateurs et aux particuliers depuis la fin de 2020.
Chacun calculera s’il peut rentabiliser une telle chaufferette. Ou s’il préfère les coussins, bouillottes, couvertures ou les flammes d’un brasero. Plutôt que de chauffer son balcon pendant la saison froide, la Fondation suisse de l’énergie invite à «reconsidérer ce projet». Car la consommation d’électricité ne devrait pas être stimulée l’hiver, quand la Suisse importe une bonne partie de son courant.
Gilles D’Andrès
Vers une régulation de la vente?
Ces champignons chauffants en plein air n’ont pas de sens d’un point de vue énergétique et climatique, selon l’Office fédéral de l’énergie (OFEN). Exit aussi l’argument du courant vert: les chauffages extérieurs alimentés à l’électricité renouvelable demeurent inefficaces, assure Felix Nipkow, de la Fondation suisse de l’énergie. Les tours intelligentes à infrarouge permettent d’éviter les pertes de chaleur en chauffant directement surfaces et corps, mais consomment encore trop de kW/h, de même que les radiateurs prêts à brancher. Alors, faut-il interdire la vente de ces engins énergivores? Pour Les Verts, des restrictions fédérales offriraient plus de clarté, une fois passé le régime d’exception lié au Covid-19. Le problème écologique posé par ces chaufferettes «ne pourrait sans doute être désamorcé que par une interdiction de vente», abonde Oliver Brenner, de la Conférence des directeurs cantonaux de l’énergie. Cette mesure devrait être édictée par la Confédération, seule compétente pour légiférer sur les appareils, selon la Constitution. Un avis que ne partage pas l’OFEN: c’est aux cantons de renforcer, au besoin, leurs législations sur l’énergie.