C’est lors d’une chaude journée de printemps, en 2011, que Didier, paysagiste, est victime d’un grave accident. Alors qu’il charge des troncs d’arbre avec son collègue, il trébuche et se fait rouler sur les jambes par un engin de plusieurs tonnes. Résultat: diverses fractures, des tendons déchirés et les chevilles cassées. Après de longs séjours à l’hôpital et dans une clinique de réadaptation, le malheureux retrouve un poste de paysagiste. Les frais médicaux, hospitaliers et de réinsertion ont été pris en charge par la Caisse nationale suisse d’assurance en cas d’accidents (Suva). Si Didier était devenu invalide, la Suva lui aurait versé une pension à vie équivalante à 80% de son dernier salaire.
Le nombre d’accidents diminue
Heureusement, de tels accidents sont de moins en moins fréquents. Le nombre total de bénéficiaires de pensions d’invalidité ou de survivant à la Suva a diminué de 10,3% entre 2009 et 2016. Dans le même temps, le nombre d’accidents du travail et de maladies professionnelles a également diminué: de 94,2 à 85,1 cas pour 1000 employés à plein temps.
Pourtant, la Suva parvient à mettre chaque année plus d’argent de côté. En 2006, ses actifs immobilisés s’élevait à 32,9 milliards de francs, selon son rapport annuel. L’an dernier, ce chiffre était de 51,2 milliards (voir graphique). Il s’agit d’une augmentation de 55,6%. A titre de comparaison, le capital de l’AVS était inférieur en 2016, puisqu’il ne s’élevait qu’à 44,7 milliards de francs.
En tout, la Suva assure un peu moins de deux millions de salariés – en équivalents plein temps – et de chômeurs inscrits contre les accidents et les maladies professionnelles. Les entreprises de certains secteurs, comme la construction ou les centrales électriques, ont l’obligation d’assurer leurs employés auprès de la Suva. Deux autres millions d’employés sont couverts contre les accidents et les maladies professionnelles auprès d’une
assurance privée.
Risques plus élevés?
Malgré le nombre comparable d’assurés, les compagnies privées accumulent beaucoup moins de réserves que la Suva. Cependant, comme ces derniers ne publient pratiquement aucuns chiffres sur l’assurance accidents obligatoire, une comparaison précise est impossible. Mais, toujours est-il que les statistiques 2015 des assurances sociales montrent que les réserves du secteur privé n’atteignent qu’un tiers de celles de la Suva.
Selon cette dernière, ces réserves élevées viennent du fait qu’elle couvre les employés de secteurs beaucoup plus risqués. Par conséquent, elle se retrouve face à bien plus de cas de pensions à verser. Or, dans ce cadre, la loi l’oblige à mettre de côté la totalité du capital de la pension. Le nombre de nouvelles rentes diminue pourtant. En 2009, la Suva a compté 2050 nouvelles pensions d’invalidités contre 1670 en 2016, avec un taux de couverture de 143%.
Un sacré rendement
La Suva argumente aussi en mentionnant les «risques sur les marchés financiers» qui auraient, selon elle, «considérablement augmenté». C’est pourquoi des réserves élevées sont nécessaires.
Pourtant, elle a réalisé un bénéfice de 7,8% sur ses investissements en 2017. Corollaire: son patrimoine a augmenté de 3,2 milliards de francs suisses. Et, en considérant les cinq exercices précédents, on constate que son rendement moyen (5,1%) était pour le moins impressionnant.
Notons enfin que la Suva a néanmoins fait des efforts en réduisant le niveau des primes dans la majorité des catégories d’assurance au cours des huit dernières années.
Thomas Lattmann / vu