En 2023, les caisses maladie avaient augmenté leurs primes de 6% en moyenne. L’histoire pourrait se répéter, si l’on en croit les pronostics du portail Comparis. «En 2024, les primes maladie augmenteront à nouveau de 6%», titrait un communiqué publié en juin. Les assureurs ne disposeraient plus du «matelas financier permettant d’amortir les fluctuations de coûts», selon le porte-parole de Comparis, Felix Schneuwly. La raison? Le Conseil fédéral aurait contraint les assurances à réduire leurs réserves depuis 2021.
Nombre de médias ont relayé ces prévisions telles quelles. Nous les avons vérifiées et notre enquête dresse un tout autre tableau. En 2022, les assureurs n’ont pas eu besoin d’«amortir les fluctuations de coûts». Selon l’Office fédéral de la santé publique (OFSP), les coûts de l’assurance maladie n’ont augmenté que de 2,6% en 2022. Cela correspond à la moyenne sur le long terme.
Réserves record de 12 milliards
Par ailleurs, les caisses sont bel et bien assises sur d’importantes réserves d’argent. Fin 2020, les réserves de toutes les caisses atteignaient le montant record de 12 milliards de francs. C’est deux fois plus que ce qu’elles auraient dû épargner pour compenser les mauvaises années, selon leurs propres calculs. Un an plus tard, les réserves étaient toujours à ce niveau record. L’OFSP vient de communiquer les chiffres pour la fin 2022. Sur cette base, nous avons calculé les réserves excédentaires des dix plus grandes assurances maladie. Résultat: neuf sur dix ont certes des réserves plus faibles en 2023 qu’en 2021, année record, mais celles-ci représentent une somme de 2,5 milliards de francs supérieure à ce qui est demandé par la loi.
Bien plus que le seuil légal
Helsana possède actuellement des réserves de 1,2 milliard de francs. Ce sont 40 millions de moins que l’année précédente – mais 537 millions de plus que ce que l’assurance devrait avoir selon la loi. Des chiffres que conteste Helsana.
La situation est similaire chez Visana, qui n’a pratiquement pas réduit ses réserves. Actuellement, elle dispose de 1,1 milliard de francs, soit 553 millions de plus que ce qui est requis.
Les réserves de Concordia ont certes diminué de 16 millions pour atteindre 975 millions de francs. Mais ce montant reste plus deux fois supérieur au minimum nécessaire, ce qui équivaut à un excédent de 555 millions de francs. Même situation chez Vivao Sympany: les réserves ont certes diminué de 32 millions de francs pour atteindre 301 millions, mais cela représente toujours 172 millions de francs de plus que ce qui est requis par la loi.
La CSS, quant à elle, possède des réserves de 940 millions de francs. Cela représente 421 millions de plus que nécessaire. Sanitas, de son côté, profite d’un matelas plus épais de 150 millions de francs que le minimum requis.
Les réserves excédentaires de KPT, Groupe Mutuel et Swica sont un peu moins élevées: elles se situent entre 74 et 94 millions de francs.
Selon les chiffres de la Confédération, Assura est la seule des grandes caisses à ne pas enregistrer d’excédents. Elle dispose d’une réserve de 377 millions de francs, soit 386 millions de moins que l’année précédente et 170 millions de moins que l’assurance devrait présenter dans son bilan. Interpellée, Assura n’a pas souhaité apporter de commentaire pour l’instant.
Pertes boursières élevées
Les représentants des caisses maladie, comme l’association Curafutura ou l’assureur Sympany, expliquent la diminution des réserves par les mauvaises performances de la bourse fin 2022. Les caisses-maladie y avaient placé l’argent des primes excédentaires des années précédentes.
Les pertes boursières ne sont pas des pertes réelles. Si les cours des actions remontent, les réserves aussi. Entre le début de l’année et la mi-août, le Swiss Performance Index, qui reflète le marché suisse des actions, a déjà augmenté de plus de 5%.
Joël Hoffmann / gc