L’avènement des écrans plats et des DVD a aiguisé l’œil des cinéphiles, et les cassettes VHS dorment dans les tiroirs. Flairant le filon, les majors de Hollywood revisitent les classiques. De leur côté, les pouvoirs publics mettent aussi la main au portemonnaie pour conserver ce patrimoine audiovisuel. Tel le film La belle et la bête qui vient d’être restauré sur la base du journal de tournage de Jean Cocteau ou l’œuvre de Chris Marker (L’armée des 12 singes), rééditée par Arte.
Une image après l’autre
Ces sorties, fruits d’un travail d’orfèvre, valent leur pesant d’or, tout en restant abordables (lire encadré). L’an passé, la modernisation des Enfants du paradis de Marcel Carné a coûté plus d’un million d’euros. Cette année, c’est la restauration d’un western culte de 1980, La porte du paradis, qui fait la une des chroniques. Elles ne font cependant pas toutes l’unanimité.
Sur le plan technique, le défi consiste à effacer les traces du temps. Une fois numérisée, chaque image «pèse» jusqu’à 45 Mo! Les restaurateurs procèdent ensuite, selon une logique de boule de neige, en allant des gros défauts vers le détail. Le traitement des images consiste d’abord à corriger les déchirures, les taches, les moisissures et autres abrasions verticales. Pour Les enfants du paradis, on a même remplacé les images manquantes en intervenant sur celles qui précèdent pour reconstituer le mouvement!
La suite consiste à réinterpréter la copie actuelle sans trahir le film d’origine. Les restaurateurs de la trilogie Le parrain ont ainsi fait un gros travail sur les clairs-obscurs du réalisateur Francis Ford Coppola, pour redonner du relief aux zones d’ombre et rendre leur subtilité aux couleurs.
Le son n’échappe pas à ce toilettage approfondi. Sur les vieux longs métrages, il faut diminuer le souffle sans rendre les voix plus métalliques. Là aussi, les ingénieurs divisent la bande en microsecondes et vont, au besoin, jusqu’à remplacer certaines syllabes en les repiquant ailleurs.
Cosmétique
«La restauration d’un film n’est pas une science exacte», explique Chicca Bergonzi, adjointe de direction à la Cinémathèque suisse. Dans ce domaine, deux écoles s’affrontent. La première, peu interventionniste, préconise de respecter les traces du temps. La seconde, qui a ainsi dicté la restauration des Enfants du paradis, consiste à lisser la pellicule pour que le film soit plus neuf encore qu’à sa sortie.
Car, avec les techniques actuelles, tout est possible. La nouvelle version du E.T. de Spielberg est désormais jouée sans cigarettes et les armes à feu ont été remplacées par des talkies-walkies! Et, dans le générique des nouvelles Vacances romaines, un nom a été ajouté: celui d’un auteur noir, dont la mention aurait été impensable dans les Etats-Unis de 1953… La frontière entre la cosmétique et la politique est ténue!
De là à jeter les vieilles versions, il y a un pas que Chicca Bergonzi ne franchit pas. «Il vaut la peine de remplacer une cassette qu’on ne regarde plus, mais il ne faut pas forcément renouveler sa collection à chaque sortie.» Pour faire son choix, on consultera la presse et les forums en ligne. A noter que, pour apprécier une version restaurée, il vaut la peine d’acquérir un lecteur Blu-ray, d’autant qu’il lit aussi les DVD.
Claire Houriet Rime
Bijoux à prix d’ami
Les restaurations de qualité ne se vendent pas forcément à prix d’or. Selon le porteparole de la Fnac, un film remastérisé coûte quelques francs de plus à sa sortie, mais il rejoindra les prix standard et les offres spéciales après trois mois seulement. Ce sont plutôt les versions «Collector», enrichies de bonus ou de gadgets, qui augmentent les prix. La dernière version Blu-ray du western La porte du paradis coûte ainsi 25 fr. en ligne. Compter 20 fr. pour le DVD normal et 89 fr. pour le coffret «Prestige».