Depuis leurs débuts dans les années 1920, les coopératives de logements ont essaimé dans tout le pays. On en compte désormais près de 2000, soit environ 5% du marché immobilier suisse. Leur succès est tel que leurs membres doivent passer par de longues listes d’attente avant d’accéder à un logement. Dans ce contexte, d’aucuns décident de lancer leur propre entité. Le projet prend du temps, mais n’a rien d’utopiste.
Réunir 7 personnes
Première étape, créer la coopérative. Dans cette optique, il faut trouver sept personnes au minimum, puis rédiger des statuts et enregistrer la structure au Registre du commerce. «Si on décide de créer une coopérative d’utilité publique, avec des aides publiques, on doit être membre de l’une des associations faîtières», précise Marco Castroni, architecte au sein du bureau genevois La Ville Nouvelle, spécialisé dans les projets d’habitat collectif.
L’association faîtière Coopératives d’habitation Suisse regroupe neuf sections régionales, parmi lesquelles l’Association romande des maîtres d’ouvrage d’utilité publique (ARMOUP), qui soutient les entités dans le développement de leur projet. Certains cantons – Genève et, depuis peu, Fribourg – comptent par ailleurs une association cantonale, à disposition pour répondre aux questions et faire le lien avec les collectivités publiques. «Pour devenir membre de l’association faîtière, il faut notamment ajouter aux statuts de la coopérative des clauses qui limitent sa rentabilité», précise l’architecte.
Définir les objectifs
Vient ensuite l’élaboration plus précise du projet. L’idée est de définir les éventuels objectifs propres au vivre-ensemble. Fera-t-on une coopérative d’habitation ou d’habitants (lire encadré)? Prévoit-on un espace de rencontres? Des parcelles pour jardiner? Un accès limité aux voitures? Les questions sont multiples, mais indispensables. Elles permettent de peaufiner les valeurs de la coopérative et assurent ainsi que les futurs habitants comprennent dans quoi ils s’embarquent.
Trouver un terrain ou un immeuble
L’étape suivante est généralement celle qui prend le plus de temps: trouver un terrain ou un immeuble. Parue en 2016, une étude réalisée par le Service des communes et du logement (SCL) du canton de Vaud et le Laboratoire de sociologie urbaine de l’EPFL (LaSUR) a estimé que, dix ans après avoir été fondées, la moitié des entités sont «encore à la recherche d’un terrain, en phase de financement ou en attente de construction». La démarche s’inscrit inévitablement dans le long terme. Elle implique surtout de nombreuses prises de contact, notamment avec des agences immobilières, des communes ou encore d’autres coopératives de logements.
Une fois le terrain acquis ou mis à disposition en droit de superficie, la situation se concrétise, avec deux pièces centrales: l’élaboration du projet architectural ainsi que du plan financier. Chaque membre doit acheter au moins une part de capital. Les montants varient sensiblement d’une coopérative à l’autre. Dans l’idéal, les projets visent à s’autofinancer. Dans la réalité, les banques restent les principaux bailleurs de fonds.
Obtenir un soutien financier
Pour des immeubles conventionnels, l’exigence de fonds propres est en général de 25% au moins. Pour les coopératives, certaines banques, comme la Banque Alternative Suisse (BAS), acceptent parfois d’aller au-delà des 75% de financement. Selon la situation, l’exigence minimale peut même être abaissée à 10% de fonds propres. Responsable financement immobilier Romandie auprès de la BAS, Loïc Ecoffey précise que «les montants des crédits octroyés varient en fonction de l'analyse globale du projet».
La loi exige des coopératives un minimum de 5% de fonds propres. Si elles ne peuvent réunir ces capitaux, les entités ont la possibilité de se tourner vers l'association faîtière qui peut octroyer des prêts hypothécaires, représentant environ 7% à 8% du coût et permettant de constituer le complément nécessaire pour atteindre les 10% de fonds propres minimaux. «Les montants sont attribués par appartement et fluctuent selon différents critères, notamment celui de la qualité écologique de la construction», explique Loïc Ecoffey. En fonction de leur localisation, les coopératives peuvent également s’adresser à leurs autorités publiques pour un soutien éventuel. Les prêts octroyés varient passablement d’un canton, respectivement d’une commune, à l’autre.
Sou’al Hemma
Coopérative d’habitation ou d’habitants?
Elles partagent le même objectif principal, à savoir celui d’offrir des logements à loyers modérés. Elles se distinguent néanmoins par leur taille, le degré d’implication de leurs habitants, leur financement ou encore leur gestion, professionnelle ou non. Les coopératives d’habitants sont généralement de plus petite taille, mais requièrent une participation, humaine et financière, plus élevée. En partie inspirées des premiers squats, elles mettent l’accent sur l’engagement, la solidarité ou encore le partage de valeurs et de responsabilités.