Une fois n’est pas coutume, la viande de porc était proposée en action à la mi-janvier. Migros vendait du filet pour 36 fr. le kilo, au lieu de 45 fr. Chez Coop, le kilo de rôti de porc affichait un prix de 15 fr. au lieu de 19.
La demande en viande de porc est en baisse depuis des mois. Selon l’organisation faîtière Proviande, les élevages comptent actuellement 50 000 porcs de plus que ce que ce qui est consommé en Suisse. Pendant la pandémie de covid, la demande avait augmenté, incitant les éleveurs à produire davantage. Puis, l’an dernier, les Suisses ont acheté moins de porc. Les éleveurs, quant à eux, n’ont pas suivi le mouvement.
Et le bétail en subit les conséquences. Les élevages sont pleins à craquer, comme le montrent des images provenant d’un élevage de la région de Berne. Elles sont dévoilées par l’association de protection des animaux Tier im Fokus, dont le président,
Tobias Sennhauser, constate: «Les cochons sont entassés dans un espace des plus étroits.» La Protection suisse des animaux critique également les conditions d’élevage: «Ces images montrent que l’espace n’est plus suffisant pour toutes les bêtes», commente Cesare Sciarra, responsable du Service de contrôle.
Depuis décembre, les abattoirs tournent à plein régime. La viande en surplus est stockée. Une partie est également exportée à prix très bas. Selon des experts de la branche, les tarifs ne dépassent pas 1.30 à 1.50 fr. le kilo.
Le principal acheteur est l’entreprise d’abattage allemande Tönnies, critiquée, ces dernières années, pour les piètres conditions de travail de ses employés. Tönnies confirme l’achat de 65% des 8000 porcs suisses exportés à la mi-janvier. L’entreprise se veut généreuse: «Grâce à notre réseau mondial de distribution, nous voulons contribuer à soulager la détresse des éleveurs suisses», écrit-elle.
3.1 millions de francs de subventions
L’écoulement des surplus de viande porcine coûte des millions de francs. Les contribuables passent aussi à la caisse, comme c’est généralement le cas lors de surplus de produits agricoles. Et 3.1 millions de francs d’argent fédéral ont été accordés pour stocker la viande excédentaire. La faîtière Proviande a pu fixer ce montant elle-même, comme lui en donne le droit, «dans les limites des crédits approuvés», l’Ordonnance sur le bétail de boucherie.
Les producteurs, eux, ne s’en sortent pas trop mal. Ils doivent s’acquitter de 20 centimes par kilos de viande abattue. Par ailleurs, selon nos sources, les gros élevages ne sont pas encouragés à produire moins. En effet, les négociants leur ont payé des primes – jusqu’à 20 000 fr. par exploitation et par année – pour compenser les bas prix à la production. L’organisation de la branche, Swissporc, se contente d’écrire que les négociants et les producteurs «sont libres dans la fixation des prix».
Mais le principe de l’offre et de la demande ne se répercute pas vraiment sur les prix à la caisse des magasins. Alors que le prix à l’achat de la viande de porc a baissé de 3.96 à 3.20 fr. le kilo en 2022, le prix pour les consommateurs a, lui, augmenté, selon une analyse de marché de la Confédération. Par exemple, les tranches d’aloyau ont passé de 29.90 fr. à 33.30 fr. le kilo.
Daniel Mennig / Darko Cetojevic / sp