Les initiatives pour permettre aux patients d’accéder à leurs données médicales se multiplient. En Suisse, cela se fait principalement par deux canaux. Le premier, l’envoi direct par le médecin à son patient d’un document le concernant, par exemple le rapport d’un spécialiste ou les résultats d’une prise de sang. Le deuxième, en développement, est l’accès du patient à son dossier électronique en ligne, le fameux DEP. Donner au patient accès à ses données médicales a pour objectif de mieux l’informer, donc de lui permettre de mieux prendre en charge sa santé. La question que nous devons nous poser est de savoir si cet accès pourrait aussi, en parallèle, avoir des conséquences négatives?
Quelles conséquences?
Des conséquences négatives? C’est la question à laquelle ont voulu répondre des chercheurs dont les résultats viennent d’être publiés dans le journal médical British Journal of General Practice. Leur objectif était de connaître «les conséquences involontaires» de l’accès en ligne des patients à leur dossier médical.
Cette étude qualitative a été réalisée au travers d’entretiens dans 10 cabinets de médecine générale avec 13 patients et 16 membres du personnel de cabinets. Il faut reconnaître que le nombre de personnes interrogées n’est pas très élevé, les résultats semblent néanmoins dignes d’intérêt. Les auteurs de cet article dressent la liste des problèmes potentiels.
Des patients confrontés au jargon médical
Il y a d’abord la détresse de certains patients qui découvrent dans leur dossier des informations inconnues ou «difficiles à comprendre». Les patients ne connaissant bien sûr pas tous les termes médicaux, il serait normal qu’ils s’inquiètent à la lecture du rapport d’un examen radiologique qui montre un «kyste rénal», une situation pourtant sans aucune conséquence médicale dans l’immense majorité des cas. Il y a aussi les informations non adaptées aux patients. Pour les auteurs de cette recherche, le jargon médical, les abréviations ou l’absence de contexte peuvent entraîner, «une offense, une mauvaise interprétation ou un malentendu». Il est vrai qu’il est différent de lire dans un rapport «obésité morbide» que d’échanger au sujet d’un excès de poids avec votre médecin. Autre exemple: un patient aurait le droit de s’inquiéter s’il découvre qu’il souffre d’une hypothyroïdie subclinique alors que ce diagnostic n’a aucune conséquence pour sa santé.
Il y a aussi toutes les informations sensibles, qui concernent le patient lui-même ou son entourage, on peut penser à la consommation excessive d’alcool ou aux violences domestiques par exemple.
Trier les informations destinées aux professionnels
Les problèmes rencontrés sont donc multiples, ils concernent d’ailleurs aussi les professionnels de la santé chez qui cela induit un surcroît de travail, un élément souvent négligé. Les journées des professionnels de la santé étant déjà chargées, compter sur leur seule bonne volonté ne sera pas suffisant.
Pour ce qui est des patients, cette recherche montre que l’accès à ses données médicales, des contenus prioritairement destinés aux professionnels eux-mêmes, n’est pas sans conséquence.
Pour les auteurs de cette étude, donner simplement accès aux patients à leurs données n’est pas suffisant, cela nécessite un travail supplémentaire pour préparer les dossiers à être partagés et pour préparer les patients à ce qui les attend.
Qu’est-il prévu pour les professionnels de la santé et pour les patients en Suisse pour éviter les conséquences négatives d’un accès aux données médicales? A ma connaissance, rien.