[MISE À JOUR du 25 juin 2020]
Suite à la publication de notre enquête, la Confédération a annoncé qu’elle allait prendre en charge tous les tests de dépistage du covid-19 à compter du 25 juin. Cela simplifie le système, mais doit aussi éviter que des personnes ayant des symptômes renoncent à se faire tester à cause des coûts. Le forfait de remboursement est fixé à 169 francs. Cela comprend 95 francs pour les analyses, 24 francs pour le travail administratif et 50 francs pour l’entretien avec le médecin et le prélèvement.
Berne prend désormais également en charge les tests sérologiques, alors même que ceux-ci ne sont toujours pas recommandés. Le forfait remboursé pour le test sérologique est de 113 francs.
Vous avez mal à la gorge ou même toussez? Il est souhaitable que vous fassiez le dépistage diagnostique du Covid-19. En vue du déconfinement, la Confédération a modifié les critères pour l’administration des tests. Au plus fort de l’épidémie, le dépistage était réservé principalement aux personnes vulnérables ainsi qu’au personnel soignant. Désormais, toute personne symptomatique est invitée à faire le frottis. Il s’agit d’une mesure de lutte contre la pandémie, au même titre que le traçage des contacts et les mises en quarantaine.
Invitée? C’est un bien grand mot. La prise en charge varie grandement selon les situations. Les personnes qui ont un risque spécifique d’exposition sur leur lieu de travail, comme les soignants, voient les frais entièrement payés par l’assurance accident. Les membres de l’armée ou de la protection civile sont intégralement couverts par l’assurance militaire.
Pour madame et monsieur tout le monde, il faut distinguer entre les personnes non-vulnérables et celles qui sont à risques. Dans le premier cas, la réglementation émise par Berne prévoit que le canton de résidence prenne en charge les frais du dépistage lorsqu’une consultation médicale n’est pas nécessaire. Pour les personnes vulnérables, qui doivent consulter, c’est l’assurance obligatoire des soins qui est sollicitée.
Franchises et quote-part restent dues
C’est là que réside la première discrimination. Les personnes à risques qui se font tester doivent s’affranchir de la franchise et de la quote-part. Avec le coût de la consultation, le montant peut atteindre plusieurs centaines de francs. Cette situation inégale a provoqué «l’incompréhension» des directeurs cantonaux de la santé. Ils ont demandé que ce soit l’assurance obligatoire des soins (AOS) qui finance l’ensemble des analyses et que celles-ci soient exonérées de la franchise.
Prix des tests encore trop haut
Les cantons ont évidemment un intérêt à ce que l’assurance maladie prenne en charge les coûts pour tous. Pour eux, un dépistage du covid à large échelle risque d’être coûteux. Sondés par Bon à Savoir, une grande partie des cantons nous ont dit appliquer les tarifs de la Confédération, à savoir 95 francs, plus les frais administratifs. Afin de faire baisser les coûts, certains ont mis en place des structures permettant de se faire tester sans consultation médicale et ont fixé des tarifs de laboratoire plus bas que ceux listés par la Confédération. Dans les cantons de Vaud, Valais et Genève, les analyses facturées au canton coûtent 52 francs.
C’est une deuxième discrimination, car les personnes vulnérables n’ont pas accès à ces tarifs. Pour rappel, la Confédération avait déjà effectué une première baisse après l’intervention du Surveillant des prix. Il en coûtait auparavant 180 francs. Il y aurait donc encore de la marge vers le bas, comme le montre l’exemple des cantons romands.
Le canton de Vaud explique que le montant de 52 francs tient compte des coûts du matériel, des réactifs ainsi que du temps de travail pour réaliser l’analyse. Le Valais ajoute que selon le type d’équipement utilisé, il peut même s’avérer encore inférieur. Les tests sont effectués dans des laboratoires hospitaliers, principalement au CHUV et aux HUG.
Les assureurs maladie estiment eux aussi que le tarif actuel est encore trop élevé, nous a communiqué SantéSuisse.
Les laboratoires privés boycottent
Les services de Monsieur Prix, informés par Bon à Savoir, ont demandé des explications à l’Office fédéral de la santé publique (OFSP). Dans sa réponse, que nous a relayé la Surveillance des prix, l’OFSP explique que son tarif ne couvre les coûts que lorsque les analyses sont entièrement automatisées. Les analyses se font à perte dans les laboratoires qui ne sont pas automatisés. C’est la raison pour laquelle une baisse supplémentaire ne pourra être envisagée que si une nouvelle technologie permet de réduire les coûts. Et d’ajouter que le montant de 52 francs n’est possible que dans des laboratoires d’hôpitaux publics, subventionnés par l’Etat.
Les laboratoires privés abondent dans le même sens. Yves Gisiger, directeur romand du réseau de laboratoires Medisupport, estime impossible que le montant de 52 francs couvre les frais. Les laboratoires privés boycottent les analyses facturées à ce prix.
La Surveillance des prix se dit «interpellée» et va poursuivre l’affaire.
Sandra Porchet
L’accès au dépistage gratuit n’est pas toujours facile
Les différences cantonales ne s’arrêtent pas aux tarifs des tests. L’accès au dépistage gratuit pour les personnes non vulnérables, un des piliers de la politique d’endiguement de la Confédération, est inégal. Dans certains cantons, les patients doivent passer par des centres de dépistage après avoir rempli un questionnaire en ligne, comme à Fribourg ou à Berne. Dans d’autres cantons, il est possible de se faire tester sans consultation en cabinet médical, comme en Valais. A Saint-Gall, une consultation médicale est obligatoire, mais prise en charge par le canton si le médecin atteste qu’aucune autre mesure thérapeutique n’est nécessaire.
Pour les habitants d’Argovie et de Lucerne, cela s’avère plus compliqué. Les Argoviens qui veulent se faire tester doivent consulter un médecin. «Lors de symptômes, il se pose presque toujours des questions qui rendent une consultation nécessaire», explique le canton qui estime que c’est alors à l’assurance obligatoire de prendre en charge les coûts. Pour le patient, cela signifie le paiement de la quote-part et le cas échéant de la franchise.
A Lucerne, «les personnes symptomatiques sont, par définition, des personnes malades. En conséquence, les tests sont à la charge de l’assurance obligatoire des soins», affirme David Dürr, responsable de l’office cantonal de la santé et du sport.
La Confédération est au courant que l’application pourtant contraignante des réglementations fédérales «n’est pas homogène partout». Berne mise sur le dialogue. «Nous avons des échanges fréquents avec les cantons», affirme Grégoire Gogniat, porte-parole de l’OFSP.
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Ne pas confondre virologique et sérologique
Les tests de dépistage diagnostique du Covid-19 se font à l’aide de frottis nasopharyngés, c’est-à-dire introduits dans le nez et le pharynx. Le prélèvement peut contenir du matériel génétique du virus. Les analyses de laboratoire le décèlent à l’aide de la méthode moléculaire PCR. Un résultat est disponible après 24 heures. Il indique si une personne est actuellement atteinte du Covid-19.
Il ne faut pas confondre ce test de dépistage virologique avec le test sérologique. Ce dernier vise à détecter dans un échantillon sanguin les anticorps que le système immunitaire a formé en réaction à une exposition au virus. Les résultats sont disponibles après 15 minutes. Mais attention, les anticorps ne se forment qu’au plus tôt 7 jours après l’infection. Le test indique donc a posteriori si une personne a été exposée au virus. Plusieurs fournisseurs ont mis des tests sérologiques sur le marché. L’OFSP ne les recommande pour l’heure pas. D’une part leur fiabilité est variable. Et d’autre part, de nombreuses questions restent ouvertes sur l’immunité après une infection au nouveau coronavirus. Une personne qui est testée positive lors d’un test sérologique devrait donc continuer à respecter les mesures de protection en vigueur. Actuellement, les tests sérologiques ont un intérêt principalement pour la recherche, car ils peuvent permettre de se faire une idée de l’évolution de l’épidémie.