Ces dernières années, de plus en plus de prestataires de service ont introduit des systèmes de e-facturation gratuits, mais en ont profité pour faire payer les clients qui préféraient conserver des factures papier. A l’heure actuelle, le coût est, par exemple, de 1.50 fr. par envoi pour les possesseurs d’une carte de crédit du Crédit suisse, de 1.80 fr. pour ceux d’UBS, et de 1.95 fr pour la Cumulus-Mastercard (Migros) et la Supercardplus (Coop). Viseca, dont les cartes sont proposées, notamment, par les banques cantonales, demande 2 fr. Tandis que chez les opérateurs télécom, UPC exige 3 fr., Sunrise le même montant, et même 4 fr. pour une version détaillée, et Salt de 2 fr. à 5 fr. Or ce que ces frais ont en commun, c’est qu’ils sont … trop élevés!
En effet, comme les sociétés concernées n’étaient pas disposées à nous fournir des chiffres sur leurs coûts réels, nous avons posé la question à des compagnies qui les envoient gratuitement. Concordia, Groupe Mutuel, Helsana, Sanitas et Billag nous ont ainsi répondu que le coût total pour le papier, les enveloppes, l’impression, l’emballage et l’envoi allait de 60 ct. à 70 ct. par facture. Le montant est modeste et les sommes demandées par les opérateurs et les prestataires de cartes de crédit sont donc plus bien plus élevées que le coût réel.
Les adeptes du papier seraient de mauvais payeurs!
Les entreprises se défendent en avançant des arguments parfois surprenants. Viseca précise que les factures papier entraînent encore des coûts pour les retours postaux, en cas, par exemple, de déménagement. Sunrise écrit que les clients adeptes des factures papiers sont plus souvent en retard avec leurs paiements: «Cette situation et les processus de relance entraînent des coûts». Mais l’opérateur ajoute dans ce cas des frais de rappel salés, UBS et Cembra (émetteur de la Cumulus) prétendent, sans fournir de chiffres, que leurs coûts de facturation papier sont plus élevés que ceux que nous mentionnons! L’attitude de Cembra est pour le moins cavalière, puisque, en avril par exemple, elle a profité de joindre à ses factures papier une brochure publicitaire de 16 pages du vendeur de meubles Interio!
Il faut savoir enfin que l’envoi des factures électroniques, gratuites, ne coûte pas forcément beaucoup moins cher aux entreprises. Concordia révèle que chaque e-facture lui coûte 56 ct. En payant plus que le coût réel de l’envoi de leurs factures, les clients attachés au papier financent donc une partie de la transition numérique des entreprises.
Marco Diener / Sébastien Sautebin
Les Chambres se prononceront
En décembre 2017, le conseiller national neuchâtelois Jacques-André Maire (PS) a déposé une motion demandant que le Conseil fédéral légifère pour interdire la facturation des factures papier. Les Sept sages ont répondu qu’il n’y a pas lieu de légiférer sur le sujet, dès lors qu’une interdiction générale «ne serait pas en phase avec les changements technologiques actuels, serait disproportionnée et constituerait une réglementation inutile».
Le gouvernement est d’avis qu’il s’agit d’une évolution positive d’un point de vue écologique. Il estime aussi que la facturation de frais supplémentaires pour les factures papier relève de la liberté contractuelle dès lors qu’elle est clairement convenue avec le client, par exemple dans les conditions générales. Il est également nécessaire que le montant soit indiqué de manière transparente et qu’un autre mode de facturation «gratuit et usuel» soit proposé, souligne le Conseil fédéral. Selon lui, il appartient aux juges civils de se prononcer sur d’éventuels abus. La motion doit maintenant être traitée par les Chambres fédérales.