Un paquet d’adoucisseur d’eau Calgon 3 en 1 contenant 55 pastilles coûte 19.95 fr. en Suisse. En Allemagne, les clients ne paient que 7.28 fr. pour 45 pastilles. Le supplément suisse se monte à... 175%.
De telles différences de prix ne sont pas rares. Comme ces exemples relevés par un lecteur, en ligne: crème visage à l’amande Weleda à 10.95 fr. en Allemagne, contre 17.95 fr. en Suisse ou encore des sandales de marque Helvesko à 129 fr. en Allemagne, contre 199 fr. en Suisse. «A mon avis, les consommateurs se font arnaquer sans vergogne et sont rassurés par des arguments fallacieux.»
La Suisse est 40% plus chère que l’Allemagne
Commerçants et fabricants invoquent volontiers les rémunérations plus élevées des employés de ce côté de la frontière pour expliquer les différences de prix pratiqués. Mais ce facteur n’a guère d’influence sur le prix en magasin, confirme Michael Grass, directeur de l’Institut de recherche économique BAK Economics à Bâle.
En 2017, les chercheurs bâlois ont étudié les différences de prix dans le commerce de détail entre la Suisse et l’Allemagne, la France, l’Italie et l’Autriche. Résultat: la Suisse est 40% plus chère que l’Allemagne. Or, les salaires plus élevés ne sont responsables que de 6% de cette différence – y compris en tenant compte des charges et des coûts de recrutement.
La différence de prix entre la Suisse et l’Italie est de 39%. Dans cette différence, la part des salaires pèse 7%. En France, les marchandises sont 29% moins chères qu’en Suisse et les salaires ne représentent même pas 1% de cette différence. Enfin, en Autriche, les coûts salariaux ne représentent que 2% de la différence de prix, qui se monte à 30%.
Si la structure salariale est très similaire entre les pays voisins, c’est parce que les coûts salariaux (dont font partie les assurances sociales) sont nettement plus élevés qu’en Suisse.
Produits agricoles au prix fort
Les coûts d’approvisionnement seraient la raison principale des prix élevés en Suisse, selon l’Institut BAK Economics. En raison de droits de douane élevés et de restrictions à l’importation, les détaillants suisses doivent acheter des produits agricoles au prix fort en Suisse, alors qu’ils seraient moins chers à l’étranger. C’est une volonté politique afin de protéger les agriculteurs suisses de la concurrence étrangère.
Cependant, même pour les marchandises achetées à l’étranger, les entreprises comme Migros ou Coop paient souvent plus que leurs concurrents européens. La raison: les groupes exigent des prix plus élevés de la part des détaillants suisses. Ainsi, le prix d’achat pour ces acteurs suisses est parfois plus élevé que le prix au magasin en Allemagne. En 2015, notre partenaire alémanique saldo a pu consulter des bulletins de livraison: Migros payait 8.96 fr. à l’achat pour la crème de jour Nivea Vital, alors que le prix en magasin de la chaîne allemande de drogueries DM était de 6.10 euros.
Les coûts d’infrastructure expliquent également les grandes différences de prix. Ils englobent, par exemple, la location du magasin ou de l’entrepôt, ainsi que les dépenses publicitaires.
Les dépenses salariales sont marginales
Une étude de l’Institut BAK datant d’août 2022 constate que, entre 2010 et 2020, les salaires dans le commerce de détail en Suisse ont connu une croissance supérieure à la moyenne par rapport à l’ensemble de l’économie. En revanche, les prix ont globalement baissé. Si les salaires étaient déterminants pour les prix, ces derniers auraient dû augmenter.
Nous avons examiné les rapports d’activité actuels des détaillants suisses: ils montrent à quel point les coûts salariaux sont marginaux par rapport à d’autres postes. Exemple: en 2022, Coop dépensait plus de 5 milliards de francs en frais de personnel. Mais l’achat de marchandises, à lui seul, a coûté à l’entreprise 22 milliards de francs, soit plus de quatre fois plus. Coop a créé près de 300 nouveaux postes à temps plein en 2022.
Dans son rapport de gestion, Coop justifie la hausse des prix en magasin par l’augmentation des prix d’achat des matières premières, de l’énergie et des matériaux d’emballage. L’augmentation des frais de personnel n’est pas mentionnée. Quant à Migros, elle a pour sa part dépensé trois fois plus pour l’achat de marchandises que pour les salaires, l’année dernière.
Joël Hoffmann / ld