Autrefois, les personnes souhaitant commander quelque chose à l’étranger via Internet étaient souvent redirigées vers le site suisse du commerçant – dont l’adresse se termine en .ch et où les prix sont nettement plus élevés. C’est ce qu’on appelle le géoblocage. Depuis le 1er janvier 2022, cette pratique est interdite.
«L’interdiction du géoblocage porte ses fruits», écrit aujourd’hui la Fondation alémanique pour la protection des consommateurs (Konsumentenschutz). En effet, presque plus aucune entreprise active à l’international ne redirige les clients suisses depuis une boutique Internet à l’étranger vers un portail suisse, plus cher, sans que ce soit explicitement demandé. C’est ce que confirme notre échantillonnage, réalisé dans les boutiques de plus de 25 entreprises.
Des centaines de francs à économiser
Seulement voilà: l’objectif de l’interdiction du géoblocage était avant tout d’endiguer les suppléments élevés pour les clients suisses. Ce but est clairement manqué: les 50 articles de notre échantillon étaient en moyenne 44% plus chers dans les boutiques Internet suisses que dans celles des pays voisins.
Ainsi, un T-shirt avec un motif de papillon coûtait 33.35 fr. sur bonprix.ch, soit plus du double que sur le site allemand bonprix.de (14.80 fr.). Le robot tondeuse Smart Sileno Life Set 1500 de Gardena coûtait 1754.85 fr. sur bauhaus.ch. C’est environ 640 fr. de plus que sur le site allemand bauhaus.info. Et pour le fauteuil de relaxation Livetastic, les clients ont dû payer 435.45 fr. sur xxxlutz.ch, soit près de 120 fr. de plus que sur son pendant autrichien xxxlutz.at.
Les prix mentionnés ne comprennent pas la TVA. Cela permet de constater quels suppléments les commerçants facturent dans leurs boutiques suisses. Il leur est tout à fait possible de ne viser que la clientèle helvétique, car les boutiques sur sites étrangers ne sont pas obligées de livrer en Suisse. Ainsi, l’interdiction du géoblocage reste un tigre de papier.
Améliorer la livraison
Que pensent les défenseurs des consommateurs de cette interdiction? Voient-ils une possibilité de la renforcer de manière à ce qu’elle agisse également contre les suppléments suisses? Nous avons posé la question à des personnalités politiques engagées. Mais avons affronté de nombreux silences: ainsi, ni Jon Pult (PS), ni Pirmin Bischof (PDC), ni Jürg Grossen (vert’libéral) n’ont pris position. Ils s’étaient tous trois engagés au Parlement en faveur de l’interdiction du géoblocage.
Le Conseiller aux Etats Hannes Germann (UDC) a, pour sa part, répondu à nos questions. Il s’agace du fait que de nombreux sites ne permettent pas la livraison en Suisse: «Il faut apporter des améliorations à ce niveau.» Il envisage de déposer une intervention allant en ce sens.
Gery Schwager / ld
Un portail pour passer commande en Allemagne
Il est «juridiquement difficile» d’obliger les commerçants à livrer également en Suisse à partir de leurs boutiques étrangères, regrette le professeur d’économie Mathias Binswanger de la FHNW (Haute école spécialisée du Nord-Ouest de la Suisse). Il invite donc les consommateurs suisses à faire davantage pression sur les détaillants, afin que leurs besoins soient mieux pris en compte.
Par exemple à travers des sites comme meineinkauf.ch (en allemand uniquement), qui permet aux particuliers de se faire livrer en Suisse des marchandises achetées sur des sites allemands. En passant par cet intermédiaire, les acheteurs se voient attribuer une adresse e-mail finissant par @meineinkauf.ch, qui servira à la commande. Moyennant des frais de service de 17.90 fr., l’entreprise se charge de réceptionner les colis, puis de les acheminer à leur destination finale. Attention: ils doivent peser moins de 30 kilos et être de dimension raisonnable.