1. Sans testament, le concubin ne reçoit rien
Lorsqu’un défunt n’a pas rédigé de testament, sa succession est liquidée selon les règles du Code civil. On appelle cela la succession légale. Les biens sont partagés dans des proportions strictes entre les héritiers légaux avec des clés de répartition variant selon la présence ou non d’un conjoint, de descendants, de frères et sœurs, etc. Et, fait notable, dans la législation actuelle, le concubin n’a droit… à rien!
2. Réserve et quotité disponible
Le testament permet de modifier la succession légale, en avantageant par exemple les êtres les plus chers, avec la possibilité d’inclure le concubin parmi les héritiers. Mais il y a des limites. Votre vieille tante Hildegarde ne pourra pas faire enrager ses enfants en léguant l’intégralité de sa fortune au Refuge des caniches abandonnés. Certains membres de la famille ont droit à une part inaliénable de l’héritage, nommée la réserve. Ces héritiers dits réservataires, sont le conjoint du disparu, ses enfants et leur descendance ainsi que son père et sa mère s’il n’y a pas de descendants.
Les autres parents, y compris les frères et les sœurs, n’ont pas de droit à une part réservataire et peuvent être, sans autre, totalement exclus de la succession. Après déduction des réserves de la succession, la quotité disponible représente le solde que le testateur peut attribuer à qui il veut, en toute liberté.
3. Des calculs parfois complexes
Le droit des successions est complexe, mais les enjeux sont essentiels. Imaginons que feu Maximilienne n’avait plus comme famille que deux frères qu’elle haïssait et un concubin, Jean-Isidore, qu’elle chérissait par-dessus tout. Si la mort l’a surprise sans qu’elle ait exprimé ses dernières volontés, l’intégralité de la succession ira à sa fratrie qui fait partie des héritiers légaux. Dans un testament, elle pourra en revanche léguer l’intégralité de sa succession à Jean-Isidore. Les frères, en effet, ne sont pas des héritiers réservataires ayant inaliénablement droit à une part.
Et si Maximilienne était mariée à Jean-Isidore, et qu’ils ont eu un fils nommé Aldemar, la répartition change de nouveau. Sans testament, père et fils auront automatiquement la moitié chacun. Avec un testament, la réserve de Jean-Isidore représentera ¼ de la succession, celle de Aldemar 3/8 et la quotité disponible sera de 3/8.
On l’a compris: selon la configuration familiale, les réserves et la quotité disponible changent considérablement.
4. Conjoint et succession
Il faut se souvenir aussi que c’est bien la succession (l’héritage) qui est ainsi répartie. Pour les personnes célibataires, divorcées ou veuves, elle correspond à l’ensemble des biens. Mais, lorsque le défunt était marié, il faut d’abord procéder à la liquidation du régime matrimonial pour déterminer la succession. Sans contrat de mariage, le régime de participation aux acquêts s’applique. Le conjoint survivant conserve les biens qu’il a hérités et ceux qu’il possédait avant l’union et reçoit la moitié des acquis du couple au cours du mariage (les acquêts). La succession représente donc les biens propres du défunt et la moitié des acquêts. Ce partage peut toutefois être modifié en faveur du conjoint devant notaire. L’époux survivant reçoit ainsi son dû à deux reprises: lors de la liquidation du régime matrimonial et, ensuite, lors du partage de la succession.
5. Les formes du testament
Le testateur doit avoir 18 ans révolus, être capable de discernement et ne pas agir sous la menace ou la crainte d’un tiers. Le document respectera impérativement une des trois formes suivantes.
⇨ Le testament olographe (ou manuscrit). C’est le plus courant. Il faut l’écrire à la main dans sa totalité, mentionner la date ainsi que le lieu, et le signer. Un texte imprimé, tapé à la machine ou rédigé par un tiers n’est pas valable. On peut se servir d’un stylo, d’une plume ou même d’un crayon et utiliser n’importe quel papier. Les ratures ainsi que les fautes d’orthographe sont acceptées, mais le contenu doit être clair et lisible. Chaque époux fera le sien séparément. Un testament collectif est nul.
⇨ Le testament public (ou notarié) est rédigé par un notaire, ce qui est judicieux lors de situations complexes. La présence de deux témoins est indispensable, et leur choix réfléchi: ces derniers ainsi que l’officier public ne doivent pas être avantagés d’une quelconque manière. Le prix varie selon les cantons, mais il faut compter quelques centaines de francs.
⇨ Le testament oral. Exceptionnellement, une personne en danger de mort imminente peut exprimer ses dernières volontés par oral à deux témoins neutres. Ces derniers rédigeront alors immédiatement le document, en le datant et le signant et en le remettront sans délai à une autorité judiciaire. Ils peuvent aussi transmettre verbalement à cette dernière les déclarations qui leur ont été faites.
6. La rédaction du testament
Voici un exemple simple:
Je soussigné Paul Gernerer, né le 10 juin 1960, domicilié 16, rue du Sel à Bex (VD), sain de corps et d'esprit, règle comme suit mes dernières volontés.
1. Mon fils unique Jean Gernerer, né le 15 août 1990, n'a droit qu'à sa réserve héréditaire, représentant 37,5% de mes biens.
2. Tout le reste revient à mon épouse Jeanne Gernerer, née le 22 décembre 1962, sous déduction d'un don de 1000 fr.à la Croix-Rouge.
Etabli à Bex, le 11 mars 2020
Paul Gernerer
7. Quelques points à considérer lors de la rédaction
⇨ Il faut bien évidemment veiller à respecter les réserves héréditaires. Le recours à un notaire peut être d’une aide précieuse dans les situations complexes.
⇨ Afin d’éviter les litiges entre les héritiers, il est judicieux d’attribuer les objets de valeur (œuvres d’art, etc.), pièce par pièce, en les décrivant précisément au besoin.
⇨ Pour décharger les héritiers des tâches administratives, éviter les conflits et assurer la bonne exécution de ses dernières volontés, on peut désigner une personne de confiance comme exécuteur testamentaire.
⇨ Les héritiers peuvent être des personnes vivantes ou des institutions (fondations, partis politiques, etc.), mais pas des animaux en tant qu’héritier à part entière. On peut, en revanche, allouer un montant qui devra être utilisé pour les soins de l’animal.
Attention à ne pas rédiger de clauses illicites, par exemple en liant la part d’héritage à un mariage ou contraires aux bonnes mœurs. De telles dispositions pourront être annulées.
8. Où déposer son testament
Il est vivement conseillé de faire connaître l’existence du document à son entourage et de signaler le lieu du dépôt. On évitera ainsi qu’il ne soit pas perdu ou retrouvé trop tard. Il peut être conservé au domicile, sauf si l’on craint des mains malveillantes, déposé chez un notaire ou encore auprès de l’autorité compétente, qui est, selon les cantons, le juge de paix, les autorités communales, le Tribunal de district, etc. Avantage de cette dernière option: l’autorité sera automatiquement avertie en cas de décès. Ce dépôt coûte entre 100 fr. et 300 fr. Le testament public est quant à lui conservé généralement chez le notaire.
9. Si l’on souhaite faire des modifications
Le testament est l’expression d’une volonté. Il est donc possible de le modifier, de le compléter et de le supprimer en tout temps. En pratique, l’auteur peut faire des ajouts sur le document en les signant et les datant, ou rédiger un complément mentionné comme tel, mais le mieux est de rédiger un nouveau testament. Il est primordial de le signer et le dater, car le texte le plus récent annule les documents précédents. Par précaution, on confirmera son intention en précisant: «Le présent testament révoque toutes les dispositions antérieures» et on détruira les anciennes versions.
10. Pour mieux maîtriser les enjeux
⇨ Notre ouvrage Le guide des successions fournit, sans verser dans le langage juridique, les informations essentielles pour bien préparer sa succession.
⇨ Consultez également notre brochure Ce sont mes volontés.
⇨ Nos nombreux articles consacrés au thème de la succession sur ce site
Sébastien Sautebin