Du frigo au pèse-personne en passant par l’éclairage du salon, notre environnement familier se pilote désormais par le biais de nos smartphones. Les brosses à dents ont rejoint la cohorte des objets connectés: impossible, si on passe trop vite sur une molaire avec la Sonicare Diamond Clean Smart, d’échapper à l’œil vigilant de l’application développée par Philips. On se verra remettre à l’ordre avec, en prime, des instructions pour mieux faire. Ce souci de la perfection peut coûter jusqu’à 250 fr.
Pour les spécialistes, le jeu n’en vaut pas la chandelle. Peter Frei, praticien lucernois, qualifie ces appareils de gadgets et estime qu’ils ne sont pas plus efficaces qu’une brosse à dents manuelle ou électrique.
«L’important, pour une bonne hygiène buccale, est d’y consacrer le temps nécessaire», renchérit Ruth Besimo, dentiste à Schwytz. Pour se chronométrer, on peut très bien se passer d’une application puisque la plus élémentaire des brosses électriques est dotée d’un minuteur programmable. Et c’est sans parler des précieuses données qui seront transmises aux fabricants par le biais de l’application. Rien ne garantit qu’elles ne soient pas ensuite monétisées plus loin.
Peter Frei a passé en revue les différents genres de brosses à dents pour la rédaction de Ma Santé. Le dentiste conclut qu’une brosse à dent manuelle permet d’obtenir de très bons résultats. Avec un minimum de systématique et de temps, on arrivera à une excellente hygiène buccale sans encombrer la salle de bains de gadgets inutiles. Dans la catégorie des brosses manuelles, la Candida Fresh Family de Migros et la Beauté Suisse Soft de Landi étaient sorties en tête d’un test paru dans Ma Santé(lire «Nos gencives pas toujours épargnées»).
Quant aux brossettes de type Single-Brush qui se présentent sous la forme d’une petite tête constituée de quelques soies mi-dures ou dures, on les réservera à un usage spécifique. Elles se prêtent très bien au nettoyage des dents à l’arrière de la bouche, ainsi que pour des dents ou des implants isolés et clipsés.
Une brosse bien en main
Les brosses à dents électriques existent sous deux formes. Les modèles rotatifs se terminent par une tête ronde qui tourne alternativement dans un sens, puis l’autre. Les brosses soniques munies d’une tête allongée sont, quant à elles, mues par des milliers de vibrations à la minute. Selon une étude du réseau de recherche Cochrane portant sur plus de 5000 participants, on obtient des résultats un peu meilleurs avec un modèle électrique par rapport à une brosse manuelle.
Dentiste à Winterthur, Peter Zuber explique que l’important n’est pas d’opter pour tel ou tel modèle électrique, mais plutôt de choisir un accessoire qu’on maîtrise bien. La brosse à dents rotative Oral-B IO Serie 7N et le modèle à vibrations Trisa Sonic Performance étaient sortis en tête du dernier test réalisé par la rédaction (lire «Des poils arrondis préservent les gencives»).
Lavage intégral inefficace
Assez nouveaux sur le marché, les systèmes entièrement automatiques promettent une hygiène parfaite sans lever le petit doigt. Les soies disposées en arc de cercle enrobent toute la denture pour la brosser intégralement et en quelques secondes selon le fabricant Y-Brush. Un gadget «complètement inutile» aux yeux du dentiste allemand Jonas Buchholz, parce que les vibrations sont trop faibles pour faire bouger les soies. «C’est de la poudre aux yeux», confirme son confrère Peter Frei.
Dernier sur notre liste, le détartreur sonique promet de venir soi-même à bout de la plaque dentaire, un exploit déconseillé par Ruth Besimo. «Ce nettoyage doit être confié à des professionnels, seuls à même de vérifier s’il reste du tartre ou s’ils ont réussi à tout enlever.» On court le risque de se blesser avec la pointe métallique de l’accessoire. Impossible, enfin, à la maison, de procéder au polissage des dents pour terminer l’opération, si bien que la plaque ne tardera pas à se reformer.
Réponse des fabricants
Le fabricant des brosses électriques Oral-B, Procter & Gamble, réfute ces conclusions. Selon ses propres analyses, l’application garantit de meilleurs résultats. Ce coup de pouce technologique aide ainsi à mieux se brosser les dents, sans en oublier aucune.
Même son de cloche chez Playbrush qui a développé l’application du même nom. Des études internes ont là aussi prouvé que, en se connectant à son smartphone, on se brosse les dents plus longtemps et plus soigneusement. Le fabricant nous a toutefois refusé l’accès à cette étude.
Y-Brush précise pour sa part que son système à brossage automatique est muni de plus de 35 000 soies dentaires, ce qui permet de mieux atteindre tous les recoins de la bouche.
Andreas Gossweiler / chr