Déclarer que le système de santé suisse dysfonctionne est délicat, tant la Suisse est privilégiée par rapport à de nombreux autres pays. Il n’en reste pas moins qu’un nombre grandissant de citoyens renoncent à se soigner, ceci pour des raisons financières.
Un accès universel aux soins
Lors de son entrée en vigueur en 1996, la loi sur l’assurance maladie (LAMal) a été présentée comme le moyen de garantir un accès universel aux soins grâce au caractère nouvellement obligatoire de cette assurance. Vingt-sept ans plus tard, force est de constater que l’objectif n’est pas atteint, et que la situation ne cesse de s’aggraver.
«La population suisse est majoritairement satisfaite des soins de santé», titre un communiqué de presse de l’Office fédéral de la santé publique, publié lors de la divulgation des résultats d’une enquête internationale menée en 2023 dans dix pays, dont la Suisse.
Une lecture approfondie de ce rapport montre que cette déclaration doit être nuancée. Près de 19% des personnes interrogées ont connu un problème médical au cours des douze mois précédant l’enquête mais n’ont pas consulté de médecin pour des raisons financières. 12,7% ont renoncé, également pour des raisons financières, à un traitement ou un examen prescrit par un médecin alors que 8,5% a renoncé à acheter un médicament prescrit par un médecin. Cette enquête nous montre donc que 24,4% de la population a renoncé à au moins l’une de ces trois formes de prestations médicales, contre 10,3% en 2010.
Les problèmes se multiplient
Près de 25% des patients qui renoncent à se faire soigner, c’est grave.
Le premier problème est celui de l’augmentation infinie des primes d’assurance maladie. Cette augmentation n’est qu’en partie liée au vieillissement de la population. Elle est aussi due au développement d’une médecine toujours plus élaborée, notamment pour ce qui est de la technologie médicale ou des médicaments. Il y a actuellement en médecine une grande différence entre ce qu’il est possible de faire et ce qui est vraiment utile. Loin de moi l’idée de renoncer aux progrès mais le lien entre les dépenses faites et leur utilité médicale n’est pas toujours évidente. Cette augmentation des coûts se répercute année après année sur les primes.
Le deuxième problème est celui des franchises, notamment celle à 2500 fr. Pour payer des primes un peu moins cher, le nombre de citoyens qui choisissent une franchise élevée ne cesse d’augmenter: 36% actuellement. Il faut donc payer sa prime et, lorsqu’on est malade, payer encore. Ce système est antisocial. Ces franchises élevées sont le principal facteur de renonciation aux soins.
Nous arrivons dans un système à deux vitesses. Il y a ceux qui ont des franchises élevées et qui renoncent aux soins, et ceux qui ont dépassé leur franchise et qui y recourent parfois sans hésiter. Personne ne va chez le médecin juste pour s’amuser, mais la tentation est grande de recourir au système de santé lorsque l’on ne paye plus que le 10%. En plus, les primes sont tellement chères que les patients ont le sentiment, à tort ou à raison, d’avoir le droit d’utiliser le système.
Et si ce n’est pas l’aspect financier qui limite l’accès aux soins, cela peut être le manque de professionnels de la santé. Car un nombre grandissant de patients n’a pas de médecin traitant.
La population satisfaite des soins: vraiment?
Je ne suis pas sûr que ce soit l’avis des 25% de la population qui renoncent aux soins. Notre système de santé, même s’il a d’indéniables qualités, n’est certainement pas aussi parfait que ce que l’on pourrait imaginer.
Qui, de la Confédération et des cantons, est responsable et de quoi? C’est le brouillard complet. Les nécessaires transformations de notre système de santé sont, en plus, bloquées par des lobbys qui ont leurs propres intérêts à défendre. Les personnes résidant en Suisse sont en droit d’attendre de nos politiciens qu’ils mettent de l’ordre dans un système auquel plus personne ne comprend rien.