Les voitures électriques se démocratisent, mais le coût d’un modèle neuf demeure élevé. Le marché de l’occasion constitue une porte d’entrée abordable à la e-mobilité. Voici dix éléments essentiels pour arrêter son choix.
1. Au préalable, la question essentielle de la recharge
«Le problème actuel de la mobilité électrique ne réside pas dans les véhicules, mais dans les bornes de recharge publiques, encore largement insuffisantes», prévient Nicolas Leuba, membre du Comité central de l’Union des professionnels suisses de l’automobile (UPSA). Clairsemé, souvent lent, parfois coûteux, le réseau public ne constitue qu’une solution subsidiaire, comme le relèvent les constructeurs eux-mêmes. «Il est important de vérifier au préalable les options de charge, avertit aussi Christian Frey, porte-parole de Volkswagen Suisse. Peut-on le faire à domicile ou sur son lieu de travail? L’achat d’un modèle électrique est déconseillé si une infrastructure de recharge n’est pas disponible.»
Le besoin quasiment incontournable d’une borne domestique pénalise les locataires, qui doivent à la fois disposer de la place adéquate et obtenir l’accord du bailleur pour installer le dispositif. En PPE, il faut avoir le feu vert de l’assemblée des propriétaires. Sans oublier le coût: comptez, grosso modo, de 2000 à 3000 fr.
2. Pourquoi choisir une occasion?
Pour une question de prix, d’abord, bien évidemment. Les véhicules neufs étant trop chers pour de nombreux budgets. Luca Maillard, de l’Association transports et environnement (ATE), y voit aussi un avantage écologique: «Ceci permet d’éviter la production d’un nouveau véhicule.» L’ATE estime toutefois que l’achat d’une automobile devrait se faire uniquement si les alternatives de mobilité douce, publique, l’autopartage ou encore leur combinaison, ne sont pas possibles. «Dans ce cas, précise Luca Maillard, un modèle électrique d’occasion est à privilégier.»
3. Faut-il s’inquiéter du vieillissement de la batterie?
C’est la grande question que les personnes tentées par la transition se posent. Les nouvelles du front sont plutôt bonnes, selon le journaliste automobile Gil Egger: «On s’aperçoit que les batteries conservent près de 80% de leur capacité même après 100 000 km, ce qui était inattendu!» Laurent
Pignot, porte-parole du TCS, va dans le même sens: «La Tesla Model S85 que nous testons à long terme a désormais 160 000 km et plus de 85% de sa capacité nominale.»
Autre élément rassurant: la plupart des constructeurs garantissent une capacité de charge résiduelle, souvent de 70% pendant huit ans ou jusqu'à 160 000 km.
Lors de la recherche d’une occasion il est essentiel de vérifier l’état de santé de la batterie (SOH – State of health) en demandant un certificat et les carnets des services au vendeur. Au besoin, on peut s’adresser à un concessionnaire qui dispose des outils nécessaires pour établir un bilan. Si possible, on fera un essai routier approfondi afin de vérifier l’autonomie réelle.
4. Et le moteur? Plus fiable que le thermique!
Laurent Pignot estime que «le risque est plus faible avec les moteurs électriques qu’avec ceux à combustion en raison de leur moindre complexité». Gil Egger partage cette analyse: «Le moteur est extrêmement fiable et ne nécessite quasiment pas d’entretien. C’est une technologie éprouvée, depuis longtemps, nous savons très bien faire des moteurs électriques fiables, qu’il s’agisse, par exemple, de locomotives ou d’électro-ménager.»
Le Club automobile allemand (ADAC) confirme que la batterie, le moteur électrique et le système de recharge «se révèlent fiables, jusqu’à présent», puisqu’ils ne totalisent que 4,4% des pannes. Les problèmes (54%) proviennent surtout de la petite batterie de 12 volts qui, comme dans les thermiques, permet l’ouverture des portes, le fonctionnement de la radio, etc. Toutefois, selon l’ADAC, le parc électrique est encore jeune et «il faut s’attendre à ce que les pannes dues à l’usure et au vieillissement augmentent dans les années à venir».
5. Affiner son choix selon ses besoins
Pour faire le meilleur choix, il convient de prendre en compte l’utilisation précise du véhicule. «Au sein d’un environnement urbain, je suggère un modèle de petite taille, voire moyenne, glisse Nicolas Leuba. Mais, pour un usage professionnel, par exemple, incluant des longs trajets, il est préférable de disposer d’une autonomie de 600 km, faute de quoi, on devra recourir à des bornes publiques en chemin».
Les capacités des véhicules progressent continuellement. Gil Egger estime qu’un modèle récent conviendra mieux aux personnes ayant besoin d’une bonne autonomie. «Mais pour de l’intra-urbain, une Renault Zoé de 10 ans avec une petite autonomie peut tout à fait convenir.»
6. Quel budget pour l’achat et l’entretien?
Un rapide coup d’œil au marché des occasions montre que les prix commencent aux alentours de 8000 fr. pour certaines Renault Zoé en bon état et peuvent allégrement dépasser 200 000 fr. pour une Porsche Taycan.
En ce qui concerne la décote, «Renault observe que les courbes d’évolution des valeurs résiduelles sont similaires entre ses véhicules thermiques et électriques», écrit Maryse Lüchtenborg, attachée de communication.
Laurent Pignot estime qu’il n’y a pas de règle générale. «C’est le marché qui détermine les prix. La valeur dépend fortement de la marque et du type de véhicule. Une petite voiture avec une autonomie peu élevée se déprécie plus rapidement qu’une berline avec une grosse batterie.»
Une e-voiture est généralement plus chère à l’achat qu’une thermique, admettent les spécialistes. Mais la fiabilité et la conception du moteur électrique rendent son entretien bien moins coûteux: plus besoin de vidange ni de changement de la courroie de distribution, etc.
La recharge est aussi bien moins chère que l’essence, pour autant que l’on ne dépende pas du réseau public. Il ne faut toutefois pas oublier le coût non négligeable de l’installation d’une borne à domicile. Attention aussi, certaines Renault Zoé d’occasion à un prix alléchant sont vendues avec un système de location de la batterie. Les tarifs peuvent atteindre 140 fr. par mois.
7. Une offre embryonnaire, mais suffisante
Les automobiles électriques ne représentaient, à la fin de novembre, que 2,4% des occasions proposées sur autoscout24, la plus grande plateforme suisse de vente de voitures. Soit environ 2000 annonces. Ce nombre est toutefois en forte hausse: à la fin de 2019, il n’y avait que 830 véhicules.
Les dix modèles les plus représentés? Renault Zoé, BMW i3, Tesla ModelS, VW ID3, Audi e Tron, Nissan Leaf, Fiat 500, Tesla Model 3, Hyundai Kona et Porsche Taycan. Leur nombre est largement suffisant pour comparer les offres. Il y a, par exemple, près de 130 Zoé et plus de 80 Model 3. A noter que les véhicules anciens sont rares: 80% des e-occasions ont été immatriculées en 2020 ou après.
Pour comparer les atouts des différents modèles, on peut consulter les tests disponibles sur tcs.ch, ecomobiliste.ch, turbo.fr, ou encore lesnumeriques.com.
8.Acheter à un professionnel ou à un particulier ?
En assumant le risque, on peut tenter de réaliser une bonne affaire auprès d’un vendeur privé. Sur autoscout24, cependant, moins de 8% des occasions électriques – soit environ 150 véhicules – sont proposées par des particuliers.
Cette stratégie ne convainc pas Nicolas Leuba: «Si je devais donner un conseil essentiel, c’est d’acheter une occasion qui possède encore un solde de garantie d’usine, et cela dans un garage de la marque. On aura ainsi en face de soi un professionnel qui possède toutes les données cliniques du véhicule et qui est à même d’effectuer les réparations.»
9. Que faut-il vérifier sur le véhicule ?
L’acheteur peut procéder lui-même à une première inspection visuelle du véhicule. «Pour vérifier l’état technique, mieux vaut se tourner vers un expert», suggère Christian Frey. Les partenaires des marques disposent des outils nécessaires, mais il vaut le coup de passer quelques coups de fil pour comparer les prix.
On peut aussi faire un «test occasion TCS» qui n’inclut toutefois pas d’analyse de la batterie.
Selon Laurent Pignot, ce sont surtout les températures basses ou élevées qui font vieillir les batteries, notamment lors de charges rapides.
N’hésitez pas à poser ces questions au vendeur: le véhicule était-il garé à l’ombre et dans un garage en hiver? La batterie a-t-elle un refroidissement à eau (qui aide à contrôler la température)? De fréquentes charges rapides ont-elles été effectuées?
10. Et qu’en est-il des hybrides?
L’ATE déconseille les hybrides rechargeables. L’association note que leurs émissions réelles de CO2 sont bien plus élevées que celles indiquées par les constructeurs. De son côté, Nicolas Leuba estime qu’elles ne constituent pas une solution: «Si une hybride a une autonomie en mode 100% électrique de 20 ou 30 km, ça ne suffit pas. C’est un avis personne. Je pense qu’elles constitueront une bonne solution lorsque leur autonomie électrique aura doublé.»
Sébastien Sautebin