Lorsque Aurélie* a reçu une facture de 150 fr. pour avoir résilié son bail hors délai, elle ne s’en est pas étonnée: «Ces frais étaient indiqués dans mon contrat et j’étais sûre que je devais les payer.» Son cas n’est pas isolé. De nombreuses mésaventures similaires ont été signalées à notre Service juridique, sur ces frais «administratifs» forfaitaires en cas de rupture prématurée du contrat.
Deux sources ont confirmé à Bon à Savoir que, dans les gérances où elles avaient travaillé, la facture était envoyée de manière systématique, même en sachant que la pratique «n’était pas très éthique». Une note annulée, chaque fois que le locataire contestait.
Clause nulle
Une situation inadmissible, aux yeux de Christian Dandrès, juriste-conseil pour l’Asloca de Genève: «Le locataire ne fait qu’exercer un droit prévu par la loi, il ne viole pas le contrat et ne doit aucune indemnité à ce titre. Il doit seulement proposer un repreneur solvable.»
En 2015 déjà, le Tribunal fédéral avait effectivement désigné comme nulle toute clause prévoyant des frais forfaitaires de résiliation anticipée dans le bail.
De 80 fr. à 215 fr. par contrat
Les montants en jeu vont de 80 fr. à 215 fr. à chaque rupture de bail donnée hors délai, selon les faits dénoncés par nos lecteurs.
Parmi les régies qui leur ont facturé des frais forfaitaires, figurent des géants de la location: Domicim (groupe Emeria, anciennement Foncia Group), Bernard Nicod, Comptoir Immobilier, SPG (anciennement SPG-Rytz) ou Naef Immobilier. Mais aussi des entreprises de taille plus modeste, par exemple Gerama à Fribourg ou Ifomob à Echallens et Yverdon.
Une prétention «juridiquement douteuse»
Facturer des frais forfaitaires de résiliation anticipée n’est pourtant pas une pratique généralisée. Wincasa et Livit, par exemple, affirment ne pas en encaisser, ni prévoir de clauses en ce sens dans leurs baux. Ces gérances ne sont pas les seules. «Lors de la rédaction d’un bail à loyer, nous mettons en garde nos membres qui auraient prévu de tels forfaits sur le caractère juridiquement douteux de cette prétention» indique Jacques Ansermet, responsable du service juridique de la Chambre vaudoise immobilière. Il relève aussi que ces forfaits ne sont, dans la pratique, que rarement facturés.
La Chambre genevoise immobilière n’a pas connaissance, pour sa part, de problèmes particuliers à ce sujet. Elle relève, par la voix de son secrétaire général, Christophe Aumenier, que le Tribunal fédéral a réglé la question de manière exhaustive en 2015: «Le Tribunal a considéré qu’une clause prévoyant le paiement, par le locataire, d’une indemnité forfaitaire en cas de restitution anticipée était nulle. Il n’est donc pas possible de prévoir d’autres frais.»
Les régies déclarent respecter la loi
Bertrand Raemy, directeur associé chez Gerama, affirme que «toutes les régies de la place facturent ces frais». «Nous trouvons plus correct d’avertir le locataire qu’il aura à les payer directement dans le bail car une résiliation hors délai entraîne un important surcoût de travail», ajoute-t-il. Il se dit toutefois prêt à les annuler exceptionnellement au cas par cas.
Naef déclare que la société «s’engage à respecter toutes les lois et réglementations en vigueur». Le groupe Bernard Nicod, par l’intermédiaire de son avocat Bertrand Demierre, dénonce quant à lui frontalement la pertinence de la jurisprudence du Tribunal fédéral de 2015. Selon lui, ce jugement ne permettrait pas d’affirmer définitivement que la facturation de frais est illégale, notamment parce qu’il ne mentionne «qu’un seul avis de doctrine, sans l’argumenter». Le groupe concède prévoir, dans ses baux, une participation aux frais de résiliation anticipée. Mais il conteste les facturer de manière systématique: «Seulement si la charge de travail encourue a été effectivement conséquente.» Domicim, SPG et Comptoir Immobilier n’ont pas répondu à nos questions.
*nom connu de la rédaction
Silvia Diaz
Réclamez, même des années plus tard!
Si vous recevez une facture de frais forfaitaires, n’hésitez pas à la contester. Et si vous les avez payés à tort, vous pouvez en exiger le remboursement jusqu’à dix ans plus tard. Deux lettres types sont disponibles sur notre site, selon la situation.