Certains pesticides apparaissent régulièrement dans les analyses de denrées alimentaires que nous réalisons. C’est le cas du fongicide propamocarbe. Cette substance a déjà été identifiée dans des pizzas industrielles, des rouleaux de printemps, des nouilles asiatiques, de la sauce tomate, des smoothies ou des melons. Les pommes de terre viennent allonger la liste. Six des quinze échantillons de tubercules suisses que nous avons testés en contenaient aussi.
Le propamocarbe est utilisé pour lutter contre le mildiou. Selon la banque de données sur les pesticides de l’université anglaise du Hertfordshire, il a un effet perturbateur endocrinien. La plupart des pommes de terre conventionnelles que nous avons achetées dans le commerce en contenaient. Le laboratoire n’a, en revanche, décelé aucune trace de pesticides dans celles certifiées bio et Demeter.
Fongicide autorisé en urgence
La raison de tous ces résidus retrouvés lors du test? Les pommes de terre ont été achetées en août dernier. Or, en juillet, l’Office fédéral de la sécurité alimentaire a autorisé en urgence l’utilisation supplémentaire de propamocarbe, à la suite d’une contamination par le mildiou à Ecublens (VD), en avril, qui s’est propagée par la suite.
Lors de notre précédent test de pommes de terre, il y a cinq ans, aucun des vingt échantillons analysés ne contenait de propamocarbe (lire «Elles n’ont pas la patate…» sur bonasavoir.ch). A l’époque, les agriculteurs luttaient contre le mildiou à l’aide de mancozèbe, un fongicide nocif pour la santé. Depuis janvier 2022, le mancozèbe est interdit. Le propamocarbe est ainsi devenu une alternative appréciée par les cultivateurs. En 2022, 27 tonnes de cette substance ont été vendues, contre 7 tonnes l’année précédente.
Les agriculteurs certifiés IP-Suisse utilisent, eux aussi, ce fongicide. Trois produits achetés chez Coop, Denner et Volg portaient le logo à la coccinelle et contenaient du propamocarbe. Ce n’est pas la première fois que nous retrouvons des résidus de pesticides dans des produits IP-Suisse. Lors d’un test effectué l’année dernière, nous avions identifié trois pommes IP-Suisse contaminées par des produits de pulvérisation (lire «Des pesticides à haut risque dans un tiers des pommes testées» sur bonasavoir.ch).
Selon l’Union suisse des paysans, les produits certifiés IP-Suisse sont obtenus «de manière particulièrement respectueuse de l’environnement, durable et en grande partie sans pesticides».
La plupart des détaillants nous ont indiqué que les quantités de propamocarbe retrouvées sont inférieures à la valeur limite autorisée par la loi. Migros estime que les résultats sont un signe clair de «pratiques agricoles engagées et responsables». Denner, pour sa part, écrit que le propamocarbe est autorisé selon les directives d’IP-Suisse.
Contaminées malgré un prix élevé
Les pommes de terre les plus chères du test, les pommes de terre grenailles de Spar, contenaient du fluxapyroxade. Selon la base de données sur les pesticides de l’Agence européenne des produits chimiques, cet antifongique potentiellement dangereux pour la santé peut être transmis aux enfants via le lait maternel. Cette substance est également nocive pour les organismes aquatiques.
Toutes les pommes de terre analysées contenaient des traces de métaux lourds présents dans la nature à cause de la pollution atmosphérique et de l’agriculture. Les pommes de terre exemptes de pesticides contenaient du cadmium. La plupart des autres contenaient, en plus, du plomb. Les Migros Selection renfermaient, en outre, du nickel. Cependant, les teneurs trouvées ne sont pas considérées comme problématiques pour la santé.
Aucun des échantillons testés ne contenait d’inhibiteurs de germination. Ces substances empêchent la germination des tubercules pendant le stockage. Lors de notre dernier test, quatorze échantillons sur vingt contenaient du chlorprophame, un inhibiteur chimique de germes soupçonné d’être cancérigène. Il est interdit en Suisse depuis octobre 2020.
Avec ou sans la peau?
Les pommes de terre produisent de la solanine, une toxine qui se loge surtout dans la peau, les germes et les «yeux». En grandes quantités, elle peut entraîner une intoxication, caractérisée par des maux de tête, des diarrhées, des vomissements, voire des crampes ou des troubles de la vue dans les cas graves. Pour éviter les problèmes:
➛ Ne consommez pas de pommes de terre vieilles, sèches, vertes ou germées.
➛ Si vous voulez manger des pommes de terre avec la peau, ne préparez que des tubercules frais et en parfait état. Les jeunes enfants ne devraient les manger qu’épluchées.
➛ Conservez les pommes de terre au frais, au sec et à l’abri de la lumière.
➛ Les petites pommes de terre ont tendance à contenir plus de solanine, car elles ont plus de peau par rapport
à leur volume.
➛ La solanine survit à de fortes températures. La substance passe en partie dans l’eau de cuisson. C’est pourquoi il ne faut pas réutiliser cette eau.
Un laboratoire allemand a analysé 15 échantillons de pommes de terre suisses achetées à la mi-août. A cette période, les pommes de terre étrangères n’étaient pas commercialisées. La présence de plusieurs substances a été vérifiée.
Pesticides
Les experts ont recherché plus de 500 substances, y compris le glyphosate et son produit de dégradation, l’ampa.
Chlorprophame
Cette substance empêche la formation de germes dans les pommes de terre pendant le stockage. Le chlorprophame est interdit en Suisse depuis octobre 2020. La substance nuit aux organismes aquatiques, sur lesquels il produit des effets à long terme. Il est considéré comme cancérigène et dommageable pour les organes.
Mancozèbe
Ce fongicide est censé protéger les pommes de terre contre le mildiou. Interdit en Suisse depuis janvier 2022, il peut affecter la fertilité.
Chlorate, perchlorate
Ces deux substances se retrouvent dans les pommes de terre lavées à l’eau chlorée. Elles peuvent inhiber l’absorption de l’iode par la thyroïde. Aucune n'a été retrouvée lors des analyses.
Métaux lourds
Le laboratoire a testé la présence de plomb, de cadmium, de nickel et d’uranium.