Les consommateurs et les consommatrices ont plus de pouvoir qu’on ne le pense. En faisant des choix judicieux dans les rayons, ils contraignent les distributeurs à améliorer la qualité des produits. Ils peuvent aussi exercer leur pouvoir dans les urnes, en tant qu’électeurs et électrices. Et le Parlement fédéral, qui sera renouvelé le 20 octobre, peut incontestablement mieux faire pour défendre les intérêts des consommateurs.
Bon à Savoir a analysé 50 scrutins qui ont eu lieu au Conseil national au cours des quatre dernières années (lire encadré). Pour la première fois, nous nous sommes aussi penchés sur 15 décisions du Conseil des Etats. Cela a été possible grâce à l’introduction du vote électronique à la Chambre des cantons, en 2014.
De rares victoires pour la conso
Afin de dresser la liste des objets de notre analyse, nous avons passé au crible les votes parlementaires liés à la consommation durant la dernière législature. Nous avons aussi demandé aux différents partis et organisations de défense des consommateurs lesquels étaient, à leurs yeux, les plus importants. Nous avons choisi ceux qui touchent le plus directement les consommateurs en veillant à ce que chaque domaine soit représenté: la santé, les assurances, le logement, l’îlot de cherté, les services publics, la prévoyance ou encore la téléphonie.
Le constat est sans appel. Sur les 50 scrutins examinés au Conseil national, les élus n’ont tranché qu’à treize reprises en faveur des consommateurs, par exemple en refusant l’augmentation de la franchise de base de 300 fr. à 500 fr. ou en garantissant une meilleure accessibilité des filiales de La Poste. Le Conseil des Etats ne s’est prononcé que trois fois sur 15 dans le sens des consommateurs, dont le refus d’augmenter les valeurs limites de protection contre le rayonnement non ionisant, afin d’accélérer le déploiement du réseau 5G.
La gauche en tête
Et, au niveau individuel, quels élus ont été les champions des enjeux conso et lesquels leurs plus coriaces adversaires? Pour le savoir, nous avons analysé les 50 votes des 146 conseillers nationaux qui ont siégé pendant toute la législature et qui briguent un nouveau mandat. Du côté des Etats, ils sont 25 en course pour défendre leur fauteuil. Plus ces députés affichent de votes en faveur des consommateurs, mieux ils se placent dans le tableau.
Conclusion: le PS a une fois de plus montré son engagement en faveur des consommateurs. Au Conseil national, sept de ses membres figurent dans le top 10. Réjouit par ce résultat, son président Christian Levrat n’en est pas pour autant surpris: «La défense des conditions de vie du plus grand nombre – et donc également du pouvoir d’achat – constitue le pilier de base de notre action politique. S’y sont ajoutées depuis les années 70 des considérations environnementales et qualitatives», explique-t-il.
Le premier Romand pointe à la troisième place: il s’agit du Neuchâtelois Denis de la Reussille (POP), avec 47 votes consophiles. Il fait partie du groupe parlementaire des Verts, qui affiche la meilleure moyenne quant au nombre de votes proconso au National. «Notre société de consommation, de sur-abondance pour certains, doit être changée», écrit Denis de la Reussille. Qui estime que cela doit passer, entre autres, par des conditions pour garantir les loyers modérés, la lutte contre l’augmentation des primes des caisses maladie ou encore contre l’obsolescence programmée.
Le PLR cancre de la conso
Au milieu du classement, on trouve le PDC, les Vert’libéraux et le PBD qui ont voté dans un peu plus de 35% des cas dans le sens des consommateurs. L’UDC fait mieux que dans notre classement de 2015, où elle occupait le dernier rang. Ses députés ont voté, en moyenne, une fois sur cinq en faveur des consommateurs.
Au cours de la dernière législature, ce sont clairement les conseillers nationaux du PLR qui se sont montrés les plus anticonso. Deux Romands figurent parmi les dix lanternes rouges: le Genevois Christian Lüscher (5 votes consophiles) et le Neuchâtelois Philippe Bauer (4 votes consophiles). Ce dernier explique qu’il ne vote pas contre les consommateurs: «Je privilégie toujours la liberté individuelle et, par principe, je suis contre les nouvelles contraintes administratives et l’intervention de l’Etat dans la vie quotidienne de mes compatriotes», se justifie-t-il.
Le PLR, par la voix de son Service de presse, se défend aussi: «De nombreuses interventions libérales ne sont pas prises en compte dans les objets retenus, comme les allègements fiscaux ou le libre échange conduisant à des prix plus bas. Au lieu de cela, l’évaluation considère davantage d’interventions étatiques comme la panacée. Nous ne voulons pas encore plus de régulations et de tutelle.»
Deux Fribourgeois aux antipodes
Au Conseil des Etats, le PDC fait moins bien. Il occupe les trois dernières places du classement, notamment avec le Fribourgeois Beat Vonlanthen. Son coéquipier cantonal, Christian Levrat (PS) est, lui, le meilleur romand de la Chambre des cantons. Le PLR est quant à lui dispersé entre les UDC et les PDC.
Beat Vonlanthen souligne que les intérêts des consommateurs ne peuvent pas être considérés de manière isolée des autres domaines politiques. Par exemple, la réduction de la part exempte de TVA de marchandises achetées à l’étranger de 300 fr. à 50 fr. aurait permis de réduire un tourisme d’achat «antiécologique et dommageable pour l’économie». Les recettes fiscales supplémentaires auraient servi au financement de l’AVS, ce qui aurait, au final, profité aux consommateurs, selon lui.
Sandra Porchet
Bonus web:
⇨ La liste complète des 50 votes du Conseil national et des 15 votes du Conseil des Etats retenus pour le classement.
⇨ Le Top Ten des conseillers nationaux les plus et les moins consophiles sur bonasavoir.ch
Florilège des objets analysés
Nous avons retenu 50 votes du Conseil national qui ont eu lieu au cours de la dernière législature. Ils portent sur divers objets: postulats, motions, initiatives, etc. Pour le Conseil des Etats, nous avons retenu 15 votes, dont 11 également soumis au Conseil national (marqués par **), et indiqué la position favorable aux consommateurs.
CONSEIL NATIONAL:
Assurances: les assureurs doivent-ils pouvoir réduire unilatéralement leurs prestations lors d’un dommage? Vote conso: NON
Franchise à option (LAMal): la durée minimale d’un contrat d’assurance maladie avec une franchise plus élevée ou un modèle alternatif doit-elle être augmentée à trois ans? Vote conso: NON
**Assurance accidents et invalidité: les bénéficiaires de prestations d’une assurance accidents ou de l’AI doivent-ils pouvoir être observés par des détectives? Vote conso: NON
**Impôts-AVS: les entreprises doivent-elles recevoir des allègements fiscaux et, en échange, l’AVS davantage d’argent? Vote conso: NON
**Prévoyance vieillesse: faut-il accepter la réforme prévoyance vieillesse 2020 qui prévoit entre autres une baisse des rentes des caisses de pension et la hausse de l’âge de la retraite des femmes? Vote conso: NON
Loyers modérés: le crédit cadre pour les logements d’utilité publique doit-il être augmenté? Vote conso: OUI
**Droit de bail: le nouveau locataire doit-il être informé par un formulaire du loyer de son prédécesseur? Vote conso: OUI
**Prix des magazines: faut-il que le Conseil fédéral, en collaboration avec le Surveillant des prix et la Comco, trouve une solution à la différence élevée du prix des revues en Suisse et à l’étranger? Vote conso: OUI
Ilot de cherté: faut-il élaguer la loi sur les cartels, afin de mettre en œuvre au plus vite des mesures contre les prix excessifs dus à des ententes cartellaires? Vote conso: OUI
Achats en ligne: le Conseil fédéral doit-il mettre fin au géoblocage, afin de permettre aux Suisses d’acheter des produits moins chers sur des sites internet étrangers? Vote conso: OUI
Téléphonie mobile: faut-il supprimer les taxes de roaming en Suisse? Vote conso: OUI
Redevance radio/TV: Billag doit-elle rembourser la TVA perçue en trop à tous les consommateurs et entreprises de manière rétroactive pour les cinq dernières années? Vote conso: OUI
La Poste: l’accessibilité des agences postales pour la population doit-elle être améliorée? Vote conso: OUI
Pesticides: le Conseil fédéral doit-il reconsidérer la dangerosité du glyphosate et les autorisations dont il bénéficie? Vote conso: OUI
CONSEIL DES ETATS:
Tourisme d’achat: la part exempte de TVA de marchandises achetées à l’étranger doit-elle être réduite de 300 fr. à 50 fr.? Vote conso: NON
Télécommunications: les valeurs limites de rayonnement non ionisant doivent-elles être assouplies, afin de faciliter l’installation de la 5G? Vote conso: NON
Wolfgang Wettstein / sp
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