On la perçoit parfois comme une nouveauté, mais en en réalité la «médecine centrée sur le patient» prend ses racines dans l’origine même de la profession. Cette volonté de donner davantage de place au patient, de mieux respecter son individualité, s’est accélérée ces dernières années, notamment grâce à l’internet et aux médias sociaux. Les patients s’informent et partagent leurs connaissances, les professionnels de la santé ne sont plus les seuls à détenir le savoir. En clair, cette médecine-là répond aux besoins du patient et non à ceux du médecin.
Même si chacun peut avoir sa propre définition, l’Harvard Medical School et l’institut américain Picker ont défini les huit principes de cette médecine centrée sur le patient: le respect des préférences des patients, la coordination des soins, l’information et l’éducation, le confort physique (par exemple un bon contrôle de la douleur), le soutien émotionnel, la participation de la famille et des amis, la continuité et la transition (à la sortie de l’hôpital), et l’accès aux soins. Je trouve personnellement qu’ils devraient être présentés différemment:
1 Le confort physique et le soutien émotionnel: tout doit être fait pour alléger les souffrances du patient.
2 Le respect des préférences des patients: le patient est un individu unique.
3 L’information du patient: le patient a le droit d’être informé, de manière exhaustive.
4 La participation de la famille et des amis: le patient n’est pas un être isolé, il faut tenir compte de son entourage.
5 L’accès aux soins: pour être correctement soigné, le patient doit pouvoir accéder aux professionnels de la santé adéquats dans un délai raisonnable.
6 La coordination et la continuité des soins: les soins à apporter à un patient doivent former un tout et ne pas être constitués de soins individuels.
Avant que la médecine ne soit une science, les soins étaient centrés sur l’individu, donc automatiquement centrés sur le patient. Avec l’apparition des sciences, puis plus récemment des technologies médicales modernes, le patient est devenu «un objet». La prise de sang révèle une anémie, la radiographie une pneumonie. Une évolution que l’on retrouve parfois dans le langage des soignants. «Qui y a-t-il au programme opératoire cet après-midi? «Deux tunnels carpiens et une appendicite.»
Sentiments contrastés
Aujourd’hui, si la grande majorité des professionnels de la santé a comme objectif de traiter chaque patient comme un individu unique, de répondre à ses besoins et à ses attentes particulières, il faut admettre que respecter les six points énumérés ci-dessus est un véritable défi pour le soignant. En particulier lorsque le temps manque. Preuve en sont les témoignages contrastés des patients sur leurs expériences d’avoir été parfois considérés comme des êtres particuliers, et d’autres où l’impression de n’avoir été ni entendu, ni compris domine.
Comment dès lors améliorer la situation? La première mesure me semble être de mieux connaître ce qu’englobe la médecine centrée sur le patient et que les professionnels de la santé en fassent un objectif.
La deuxième mesure est celle de l’éducation, de la formation, pour les soignants mais aussi pour les patients. Pour les premiers, pour les aider à développer plus encore cette médecine dans leur quotidien professionnel, les seconds pour prendre la place qui est la leur dans la relation soignant – soigné: on attend d’eux qu’ils osent exprimer, face aux professionnels de la santé, leurs besoins et leurs attentes, qu’ils osent dirent quand ils sont d’accord mais aussi quand ils ne le sont pas.
La troisième mesure est d’intégrer le plus souvent possible les citoyens – patients dans les projets santé, que l’on parle des cabinets médicaux, des cliniques ou des hôpitaux, trop de projets les concernant sont développés sans eux.
Dr Jean Gabriel Jeannot, médecin, spécialiste en médecine interne