«Taxe de garantie». Le terme pourrait faire penser à une taxe officielle. Il figure depuis un an sur la facture de gaz de nombreux ménages. Il s’agit, en réalité, de coûts que les fournisseurs répercutent sur leurs clients. Les ménages paient, actuellement, en moyenne 74% de plus qu’il y a trois ans. Depuis l’année dernière, les fournisseurs ont ajouté à cette augmentation une «taxe de garantie». Celle-ci est perçue d’octobre à avril et varie selon les régions. Le supplément perçu jusqu’en avril 2023 était relativement modeste en Suisse romande, soit à peu près 15 francs pour un ménage-type avec une consommation annuelle d’environ 20 000 kilowattheures (kWh). Le Jura fait figure d’exception, puisque le surcoût se situe aux alentours des 74 francs. En Suisse centrale, la taxe a coûté 81 francs supplémentaires, aux ménages pour l’hiver 2022-2023.
Le terme interroge. «Taxe de garantie» suggère qu’il s’agit d’une taxe étatique, comme la taxe sur le CO2. Or, c’est faux. Il s’agit de coûts répercutés par les fournisseurs de gaz aux ménages.
Depuis le début de la guerre en Ukraine, le Conseil fédéral craint une pénurie de gaz. Il a donc décidé de stocker des réserves à l’étranger. Il a donné un mandat en conséquence aux cinq exploitants de réseaux gaziers régionaux: Gasverbund Mittelland, Erdgas Zentralschweiz, Erdgas Ostschweiz, Gaznat en Suisse romande et les Aziende Industriali di Lugano. Les coûts ont été répercutés par ces cinq entreprises aux fournisseurs locaux, qui les ont, à leur tour, rabattus sur les ménages et les entreprises.
Report pas imposé
Sur la facture des clients, ce transfert de coûts a été nommé «taxe». Un terme trompeur: l’Office fédéral pour l’approvisionnement économique du pays confirme en effet à Bon à savoir qu’il «ne s’agit pas d’une taxe de garantie prélevée par la Confédération».
Cela n’empêche pas des fournisseurs romands d’employer ce terme: Viteos (Neuchâtel) parle de «taxes gouvernementales» et ne mentionne pas même le montant dans la facture. Regiogaz, de Delémont, estime ne pas avoir eu le choix, la taxe ayant été prélevée par leur fournisseur.
Or, la Confédération n’impose pas la répercussion des coûts du stockage du gaz sur les clients. Elle ne l’interdit pas non plus.
Les fournisseurs de gaz se portent bien sur le plan économique. Ils n’ont pas besoin de faire porter ces coûts à leurs clients: le gaz est acheté sur les marchés européens par des entreprises comme Swiss Energy Trading AG. L’année dernière, cette dernière a augmenté son bénéfice net de 2,5 millions à 59 millions de francs. La société appartient au Gasverbund Mittelland, à Gaznat et à Erdgas Zentralschweiz, qui appartiennent à leur tour à des fournisseurs locaux et donc aux pouvoirs publics. Gaznat appartient entièrement à des entreprises publiques, dont 37% aux Services Industriels de Genève et 26% à la Commune de Lausanne.
Remboursement des frais encaissés en trop
Bonne nouvelle: la douceur de l’hiver passé permettra des réductions à la «taxe de garantie». Dans l’est de la Suisse, les consommateurs se verront même rembourser un tiers des montants encaissés l’année dernière. En Suisse romande, la taxe ne sera pas prélevée du tout pour cet hiver. Elle restera inchangée pour les cantons comme Berne ou l’Argovie ainsi que le Jura.
Jocelyn Daloz / Markus Fehlmann