«C’est du foutage de gueule pour un camping-car à 120 000 fr.!» Gilbert Dubulluit (photo), de Martigny (VS), n’a vraiment pas apprécié le Service après-vente de Carthago, fabricant de son véhicule. Et pour cause: à la suite d’un accident survenu au printemps 2018, notre lecteur a dû attendre plusieurs mois que l’entreprise allemande livre les pièces de rechange nécessaires, dont un portillon de soute.
Pire, il n’a jamais reçu la porte d’entrée latérale de l’habitacle (dite «cellule») destinée à remplacer celle qui était endommagée. En fait, près de cinq mois après la commande, Carthago a tout simplement annoncé qu’elle n’était plus livrable! Le carrossier de Gilbert Dubulluit est finalement parvenu à réparer l’objet, mais, à cause de cette interminable attente, le camping-car est «resté inutilisable toute la saison 2018», déplore l’infortuné propriétaire.
La faute au fournisseur
Cette affaire de porte est d’autant plus surprenante que le Chic E 149 est non seulement un véhicule haut de gamme, mais aussi un modèle récent acheté en Allemagne en 2011.
«Je peux comprendre Monsieur Dubulluit, concède Niek Lamers, du Service clientèle export de Carthago, mais il ne nous est pas possible de tout stocker. Avec les années, nous avons, par exemple, plus de 215 variantes de portillons de soute! Et comme il s’agit d’un véhicule ancien, la version commandée devait faire l’objet d’une production spéciale. Cela signifie que notre fournisseur fabrique une pièce unique que nous plaçons ensuite dans notre chaîne de montage pour être terminée. Le temps d’attente peut donc être long.» Et la porte latérale? «Il y a malheureusement, au fil des ans, des pièces qui ne sont plus disponibles, par exemple parce que nos fournisseurs ne peuvent plus nous les procurer. La loi nous oblige à livrer des pièces de rechange pendant deux ans en cas de défaut matériel. Mais contrairement à ce que l'on entend parfois, nous n'avons aucune obligation d'en fournir pendant dix ans.»
Des explications qui ne satisfont pas Alexandre Maury de l’atelier G’M Camper à Martigny (VS), le carrossier de notre lecteur: «De toute évidence, Carthago préfère vendre des véhicules neufs que de fabriquer des pièces de rechange! Ce qui me choque le plus, c’est que des marques moins prestigieuses arrivent à nous fournir, mais pas eux!» Le spécialiste admet toutefois un problème plus global: «Plus personne ne veut faire de stocks, car cela coûte trop cher. Mais, si une entreprise fonctionne de cette manière, elle devrait le signaler à sa clientèle.»
Il faut être très patient…
De son côté, l’entreprise Bantam-Wankmüller à Etagnières (VD), qui a importé les pièces Carthago en Suisse pour G’M Camper, se refuse à pointer du doigt l’entreprise germanique. «On ne peut pas dire qu’il s’agit d’un mouton noir par rapport aux autres fabricants, affirme le directeur Dan Wankmüller. Si vous avez le malheur d’endommager une pièce qui casse rarement ou si le fabricant a vendu toutes ses pièces, il y aura forcément des délais.»
Mais que penser de la porte latérale? «Le domaine du camping-c ar est différent de celui des automobiles: les modèles changent beaucoup plus vite, note Dan Wankmüller, mais il appartient aussi au revendeur de trouver des solutions.» Le directeur de Bantam-Wankmüller estime ainsi qu’une porte d’un autre modèle aurait sans doute pu être installée: «En voyant le véhicule, nous aurions pu le déterminer, mais il n’a pas été amené chez nous. Lorsque nous avons annoncé à G’M Camper que la pièce en question n’était plus fabriquée, ils nous ont répondu qu’ils allaient s’arranger.»
Finalement, G’M Camper a pu réparer la porte. Quant au portillon envoyé, le fabricant s’est trompé en livrant une pièce gauche, alors que le camping-car a été endommagé sur sa droite. Pour Gilbert Dubulluit, «la croix est faite sur Carthago».
Sébastien Sautebin
Obsolescence programmée?
En affirmant que la porte de son Chic E 149 n’est plus disponible, Carthago pratique-t-elle une forme d’obsolescence programmée? La loi suisse ne définit pas cette notion, mais le code de la consommation français la décrit comme «le recours à des techniques par lesquelles le responsable de la mise sur le marché d’un produit vise à en réduire délibérément la durée de vie pour en augmenter le taux de remplacement». Dans le cas présent, la porte devait être changée en raison d’un accident et non pas parce qu’elle s’est cassée prématurément. D’autre part, considérer que Carthago ne fournit plus certaines pièces dans le but d’inciter ses clients à acheter un nouveau véhicule semble exagéré. «Il s’agit ici plutôt d’un Service après-vente défaillant du constructeur, et c’est un risque pour son image», estime Thomas Putallaz, président de l’association No obsolescence programmée Suisse.