Elle coule à flots, en période de Coupe du Monde. Mais, à part de l’eau, du malt et du houblon, la bière contient-elle des mycotoxines – des moisissures toxiques – ou des pesticides? Bon à Savoir et On en Parle, émission de la RTS, ont voulu en avoir le cœur net. En 2021, en Suisse, il s’en est écoulé 444 millions de litres. Et, comme le reste de notre alimentation, la bière est parfois contaminée par ces substances indésirables.
Nous avons envoyé 18 échantillons à un laboratoire spécialisé. Notre sélection comporte des blondes, des non-filtrées, des bières bio, sans alcool ou encore une stout.
Une mycotoxine et trois pesticides
Bonne nouvelle: 15 échantillons ne révèlent ni mycotoxine ni pesticide. La Boxer Old, en revanche, affiche un taux de zéaralènone de 16,2 microgrammes par kilo (μg/kg). Ce champignon agit sur le système reproductif. Consommé régulièrement en grandes quantités, il augmente les risques d’infertilité et de cancers. Dans cet échantillon, des résidus de mandipropamid ont aussi été détectés. Ce pesticide est courant pour lutter contre un ennemi bien connu des jardiniers, le mildiou.
Deux autres bières contiennent des traces de ce pesticide (moins de 0,01 milligramme par kilo): la Farmer non filtrée, de Landi. Et la NON, bière sans alcool tout juste lancée par Migros. Ce dernier échantillon renferme deux autres résidus: du boscalid et du diméthomorphe.
Néfaste au quotidien
Aucune norme suisse n’est fixée pour ces pesticides dans la bière. Les brasseurs sont tenus de mener des autocontrôles en vérifiant, en amont, la teneur en pesticides dans les céréales brutes. Cette absence de valeur légale sur le produit fini rend les contrôles difficiles en Suisse, voire impossible pour les productions étrangères, regrette Patrick Edder, chimiste cantonal genevois.
Pour les mycotoxines, une dose journalière tolérable de 0.25 μg/kg de poids corporel est recommandée par Esther van Asselt, spécialiste en sécurité alimentaire auprès de l’Université de Wageningen (Pays-Bas). Soit 15 μg par jour pour une personne de 60 kg. Et 20 μg pour un poids de 80 kg. Une personne de petit gabarit aurait dépassé ce seuil en buvant les deux bières contaminées de notre test (qui contiennent 16,2 μg/kg).
Il serait néfaste de dépasser ce seuil quotidiennement, disent les experts. Le danger vient d’une accumulation de petites doses, plutôt que d’un aliment contaminé. Or, ces moisissures constituent un risque dans de nombreux aliments à base de céréales (lire «Pâtes: Six paquets exempts de substances indésirables» ou encore «Farines: Seules trois sont irréprochables»). Les experts soulignent aussi que l’alcool reste l’élément le plus toxique contenu dans les bières.
Résultats rassurants
Les résultats sur les pesticides ont de quoi rassurer les consommateurs, selon Patrick Edder. Il rappelle qu’on trouve sur de nombreux légumes des concentrations 10 à 100 fois supérieures à celles repérées ici. «Toutefois, là encore, le problème réside dans l’accumulation de petites doses, qui laisse craindre un «effet cocktail». «On ingère des pesticides chaque jour, dans de nombreux aliments. Alors, si on additionne le tout, l’exposition des consommateurs aux pesticides n’est pas négligeable et devrait être limitée autant que possible.»
Réactions des producteurs
Landi, Migros et Boxer ont réagi aux résultats. «La teneur en zéaralénone est étonnamment élevée», indique Boxer, qui l’impute à la qualité des matières premières et trouve une valeur moyenne «beaucoup plus basse» dans ses contrôles. La marque rappelle que, avant de subir des dommages, il faudrait boire 1 litre de bière par jour au cours d’une vie. Elle s’engage analyser l’échantillon en question et à discuter avec ses fournisseurs.
Landi rétorque que le mandipropamide est autorisé. Elle veille à garantir que les exigences légales soient respectées à tout moment. Migros voit, dans les traces très faibles, un niveau «correspondant à ses exigences de qualité élevée». «Nous avons toutefois informé le fournisseur qui va s’assurer que ceci, au pire, reste à ce stade. Et, au mieux, disparaisse.»
Laura Drompt / Jessica Monteiro
Les critères du test
Le laboratoire Primoris, en Belgique, a analysé nos 18 échantillons, grâce à une chromatographie gazeuse et liquide. Il a recherché ces substances:
1. Mycotoxines
Ces champignons toxiques provoquent des effets aigus ou chroniques: troubles intestinaux, risques de cancers ou d’infertilité. Une étude menée sur 1000 bières par Jeroen Peters pour l’Université de Wageningen (Pays-Bas) a révélé que les bières artisanales, non filtrées et de type stout, sont particulièrement touchées. Les spécialistes recommandent de ne pas dépasser le seuil de 0.25 μg/kg par kilo de poids corporel et par jour.
2. Pesticides
La Suisse ne connaît aucune valeur limite légale pour la bière; seules les céréales brutes sont soumises à l’autocontrôle, par les brasseurs. Bon à Savoir sanctionne leur présence, qui s’ajoute aux pesticides consommés quotidiennement. Les effets de ces cocktails sur la santé humaine ne sont pas connus. Notre test révèle des traces infimes de trois contaminants. Le dimetomorphe, utilisé dans l’arboriculture fruitière. Le mandipropamide, qui s’attaque au mildiou. Et le boscalid, qui cible certains champignons.