Les images de malades placés sous respiration artificielle ont brutalement rappelé l’impensable: le corps médical doit parfois prendre des décisions lourdes de conséquences. A quel prix faut-il préserver la vie?
Le patient a le droit de choisir les soins qu’il souhaite recevoir, mais encore faut-il qu’il puisse exprimer sa volonté. Depuis 2013, le Code civil suisse permet d’en décider à l’avance au cas où l’on perdrait sa capacité de discernement. Concrètement, en cas de chute ou d’accident grave, d’arrêt cardio-vasculaire ou respiratoire, à quel prix veut-on être réanimé?
Réflexion en famille
En Suisse romande, moins de 7% de la population a pris ces dispositions en rédigeant des directives anticipées. Au moment de décider du traitement adéquat, le médecin se retrouve ainsi souvent seul aux commandes. Et, en cas d’urgence, le médecin urgentiste, qui ne connaît pas le patient, fera vraisemblablement tout pour le réanimer.
Si ce dernier a, en revanche, donné des indications claires écrites sur ses valeurs, sur ses priorités et la façon dont il souhaite finir ses jours, il y a de grandes chances que ses volontés soient respectées. Sur le plan juridique, les directives anticipées sont contraignantes pour toutes les personnes impliquées.
Brigitte Zirbs, vice-présidente de l’association Médecins de famille et de l’enfance Suisse (mfe) aborde systématiquement le sujet à l’approche de l’âge de la retraite ou avec ceux qui souffrent d’une maladie grave. Elle compare cette démarche à un testament spirituel. «L’idéal est d’y consacrer un moment avec le médecin de famille en présence de son conjoint et de ses enfants. S’ils participent à la réflexion, cela facilitera ensuite le processus de deuil.»
La généraliste cite l’exemple d’une octogénaire atteinte de la maladie d’Alzheimer après s’être prononcée contre tout acharnement sans toutefois avoir déposé ses volontés par écrit. Appelés à la rescousse suite à une chute, les services d’urgence l’ont réanimée car ils ne disposaient d’aucune directive claire. «Elle a survécu près de six ans dans un état presque végétatif. Je ne pouvais rien faire, mais c’était lourd à porter pour sa famille», témoigne Brigitte Zirbs en insistant sur l’importance, pour les personnes seules, de laisser les directives bien en évidence, chez eux, à portée de tous.
«Il suffit de quelques indications écrites ou, au minimum, de désigner un proche comme représentant thérapeutique», renchérit Ralf Jox, chef de la chaire en soins palliatifs gériatriques au CHUV. Les directives anticipées devraient, comme leur nom l’indique, être rédigées à l’avance et non au moment d’entrer en soins palliatifs ou en EMS. Il n’y a pas d’âge pour y réfléchir, personne n’étant à l’abri d’un accident de ski, de la route ou d’un AVC. Quelle que soit la forme choisie (lire encadré), on confiera ce document à son médecin traitant et à tous ses proches (familles et voisins).
En l’absence de précisions, les médecins s’adresseront aux proches qui fournissent une assistance régulière au malade: dans l’ordre, le conjoint ou le compagnon de vie vivant sous le même toit, les enfants, les parents ou la fratrie.
Un processus dynamique
Réfléchir à ses derniers jours, ça ne signifie pas que la mort est proche, mais qu’on veut vivre pleinement les années à venir. Des petits-enfants au grand amour, la vie réserve encore des surprises. Au fil du temps, on adaptera ainsi régulièrement le document: les directives anticipées ne sont pas taillées dans le marbre!
Elles peuvent aussi être nuancées en regard du Covid-19 qui place les sexagénaires dans une classe «à risque» alors que nombre d’entre eux survivraient à un passage aux soins intensifs. «Dans cette perspective, une de mes patientes a précisé qu’elle accepterait de passer deux semaines en coma artificiel, mais qu’il faudrait ensuite reconsidérer ses chances de guérison», illustre Brigitte Zirbs.
Claire Houriet Rime
Je soussigné-e…
Les directives anticipées doivent être écrites, datées et signées. On trouve des formulaires à télécharger sur le site de la FMH ou de la Ligue contre le cancer. Certaines versions n’abordent que les questions essentielles (réanimation, soins palliatifs, don d’organes). La Croix-Rouge suisse et Pro Senectute proposent une assistance spécifique.
La brochure «Ce sont mes volontés» propose le formulaire de l’Académie suisse des sciences médicales avec une page d’explications.
Le document contient également un formulaire d’instructions en cas de décès, ainsi que des exemples de mandat pour cause d’inaptitude et des indications pour la rédaction du testament.