Jean Hubert (nom modifié) allait souvent nager ou faire de l’escalade avec ses collègues, et il se rendait presque tous les jours à la salle de sport. «C’était une immense passion», se souvient notre lecteur. Aujourd’hui, tout a changé. «Quand j’arrive à m’entraîner, le programme ressemble plus à celui d’un senior», déplore le jeune homme de 24 ans. Ce grand gaillard de 1,85 m pesait 80 kg. Il en fait 68 aujourd’hui: «Je ne suis plus que l’ombre de moi-même.»
La raison de cette métamorphose? Jean Hubert a contracté la chlamydiose il y a quatre ans. Cette maladie se transmet par des bactéries lors des rapports sexuels. Peu après son infection, le jeune sportif a ressenti des sensations douloureuses de brûlures en urinant. Il n’a pas consulté de médecin, car il espérait que ces symptômes disparaîtraient spontanément. Mais son état ne s’est pas amélioré. Les antibiotiques qui lui ont alors été prescrits n’ont pas eu l’effet escompté.
13 000 chlamydioses l’an passé
Jean Hubert n’est pas un cas isolé: de nombreuses personnes contractent une infection sexuellement transmissible (IST) en Suisse. Le nombre de contaminations augmente d’ailleurs depuis des années. Par exemple, plus de 13 000 personnes, principalement des jeunes, ont été infectées par la chlamydiose l’an passé selon les statistiques de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP), soit 700 de plus que l’année précédente. La tendance est similaire pour la gonorrhée, avec une hausse de près de 1000 diagnostics en 2022.
Ces deux maladies ne provoquent, le plus souvent, que peu de symptômes à leur début. La gonorrhée se manifeste parfois par des pertes blanches. Si l’on ne fait rien, on risque la stérilité.
La syphilis se répand aussi. En revanche, la tendance est différente pour le VIH dont le nombre de cas diagnostiqués diminue dans notre pays depuis 2002.
Préservatifs: protection partielle
Ces évolutions distinctes sont dues en partie au fait que l’on est infecté plus facilement par certaines IST que par le VIH. «Utilisé correctement, le préservatif est efficace contre le VIH, mais il ne protège que partiellement contre la chlamydiose, la gonorrhée et la syphilis», explique Dominique Laurent Braun, responsable de la consultation de santé sexuelle à la clinique des maladies infectieuses de l’hôpital universitaire de Zurich (voir tableau).
C’est ce qui est arrivé à Jean Hubert. Le jeune homme a toujours utilisé des préservatifs, mais il a quand même contracté la chlamydiose. L’explication est liée aux voies de transmission. Le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) se trouve dans le sperme, les sécrétions vaginales et le sang. Il pénètre dans le corps par les muqueuses lors de rapports vaginaux ou anaux, mais pas lors de rapports oraux. Le préservatif protège en empêchant le contact direct avec les sécrétions corporelles.
Les agents pathogènes de la chlamydiose et de la gonorrhée se trouvent sur les muqueuses du vagin et de l’urètre, ainsi que sur celles de l’anus, du rectum et de la gorge. Ils se transmettent déjà lors d’un contact corporel étroit, par exemple lors de rapports oraux et même de baisers.
Les transmissions d’IST ont également augmenté en raison d’une utilisation moins rigoureuse du préservatif, l’amélioration des traitements ayant diminué la peur du SIDA. De surcroît, un médicament, le Truvada, peut parfois servir de prophylaxie pré-exposition contre le VIH. Sa substance active s’accumule dans les muqueuses, empêchant le VIH d’y pénétrer.
Symptômes au retour des vacances
Des chercheurs britanniques estiment qu’une IST sur dix est contractée à l’étranger. «Les personnes qui reviennent de vacances avec des symptômes fiévreux ne devraient pas penser uniquement à une maladie de voyage comme la malaria. Il faut se demander également si l’on a pu contracter une maladie sexuellement transmissible», relève Dominique Laurent Braun.
Les médecins traitent les IST avec des antibiotiques lorsqu’elles sont provoquées par des bactéries et avec des médicaments antiviraux pour celles causées par des virus. Il existe des vaccins contre l’hépatite B et contre le papillomavirus (lire encadré).
Les déboires de Jean Hubert montrent que, dans de rares cas, des complications peuvent persister malgré le traitement. Après quatre ans, il ne s’est toujours pas remis. Son urètre reste enflammé et la prostate est atteinte. Le jeune homme souffre de douleurs chroniques et de dépression. «Toute ma vie part en vrille à cause de cette infection», déplore-t-il. Il lui reste l’espoir que la prochaine cure d’antibiotiques soit enfin efficace.
Katharina Baumann / seb
Papillomavirus: un quart des cancers touchent les hommes
Le papillomavirus (HPV) est un cas à part parmi les IST. Il s’agit de l’infection sexuellement transmissible la plus répandue. Elle est si fréquente que 80% à 90% des femmes et des hommes sont contaminés au moins une fois au cours de leur vie. Dans la plupart des cas, le HPV ne provoque aucun symptôme et guérit de lui-même. «90% des personnes s’en débarrassent spontanément dans les deux ans, alors que 10% vont développer des infections persistantes», précise Pierre-Alex Crisinel, responsable de l’unité d’infectiologie pédiatrique et de vaccinologie du CHUV.
Il existe plus de 200 types de HPV, dont une quinzaine sont dits à haut risque, car ils peuvent provoquer un cancer à long terme (voir tableau). «Au total, environ 1% des personnes infectées de façon chronique par un papillomavirus vont développer un cancer», relève Pierre-Alex Crisinel. Contrairement à ce que beaucoup de personnes pensent, il ne s’agit pas d’un problème exclusivement féminin. Selon l’Institut national français du cancer (INCa), un quart de tous les cancers induits par le HPV surviennent chez l’homme. Il s’agit très majoritairement de cancers de la sphère ORL puis de l’anus.» Une méta-analyse publiée en août a d’ailleurs relevé qu’un homme sur cinq est porteur d’un papillomavirus à haut risque.
En Suisse, la vaccination des adolescents est recommandée depuis 2015. Pierre-Alex Crisinel la conseille aussi bien pour les garçons que pour les filles. Selon le spécialiste, «il s’agit d’un vaccin bien toléré. Il a pu être démontré notamment qu’il ne présente pas d’augmentation du risque de sclérose en plaques ou d’autres maladies auto-immunes». Le vaccin, qui protège notamment contre les types 16 et 18 du HPV, a un bénéfice attendu plus grand chez les femmes. Ces deux types sont en effet responsables de 60 à 70% des cancers HPV féminins contre environ 25 à 50% des cancers HPV masculins. La vaccination des hommes permet toutefois de diminuer aussi la circulation du virus.
Son efficacité est supérieure s’il est administré avant le début de l’activité sexuelle. Il est gratuit pour les 11 à 26 ans.