Imaginez avoir un pied cassé, souffrir le martyre chaque fois que vous le posez par terre et pourtant vous dire que ça finira par passer tout seul sans l’aide de béquilles. C’est ce que beaucoup infligent à leur santé mentale.
Quel remboursement?
Le tabou sur la question n’aide pas. De même que le manque de praticiens remboursés par l’assurance de base. «Selon où vous habitez, il peut y avoir six à douze mois d’attente», se désole Stephan Wenger, coprésident de la Fédération suisse des psychologues (FSP). «Depuis la deuxième vague de Covid-19, 70% des psys refusent tout nouveau patient par manque de place.»
A ses yeux, les changements annoncés en Suisse pour le remboursement des psychologues-psychothérapeutes par l’assurance maladie de base est donc une excellente nouvelle. Dès juillet 2022, leurs consultations seront remboursées sur prescription – par le généraliste, pédiatre ou psychiatre –, y compris s’ils sont installés en indépendants.
Pour les psychothérapies prises en charge par la base, il faut compter une participation de 10%, après s’être acquitté de la franchise. Sans cela, il y a de quoi être rebuté par des factures oscillant autour de 150 francs la séance.
Ce qui va changer
Pour l’heure, les psychologues remboursés exercent sous la surveillance de médecins qui les emploient, essentiellement des psychiatres. Ce modèle dit «de délégation» exige de travailler dans les mêmes locaux.
Avec le futur modèle de prescription, le médecin prescrira 15 premières séances chez le psychologue, avant de valider la poursuite du traitement. A la trentième séance, un rapport devra être fourni à l’assurance pour continuer. A voir si le système visera à coordonner les soins plutôt qu’à décourager les patients.
Mais cela reste une opportunité pour les zones mal desservies. Stephan Wenger cite l’exemple d’une vallée, où patients et psychothérapeute prennent le même train pour se rendre en ville au cabinet dûment agréé. Une aberration et une perte de temps que l’installation en indépendant dans le village réglerait.
Efficaces thérapies courtes
Pousser la porte d’un ou d’une psy ne signifie pas forcément se lancer pour des années de divan: seul 1% des thérapies par des psychothérapeutes dépasse les 50 séances, note Stephan Wenger.
Jean-Nicolas Despland, psychiatre psychothérapeute, directeur de l’Institut universitaire de psychothérapie au CHUV et spécialisé dans les thérapies brèves, va dans le même sens: «En général, deux tiers des personnes sont traitées en moins d’une année. On ne va pas chez un psy pour le plaisir, la durée des suivis correspond aux besoins.» Quand ils vont mieux, les patients savent dire «Merci et au revoir». «Même si, rappelle le médecin, des patients aux troubles sévères ont besoin de traitements plus longs, voire très longs.» Selon la FSP, la moyenne des consultations en Suisse est de 29 séances sur dix-sept mois.
Des besoins criants
Dans le pays, 1,2 à 2 millions de personnes souffrent de troubles psychiques et près d’un demi-million n’auraient pas accès aux soins, la FSP. Avec le risque que leurs problèmes deviennent chroniques, voire provoquent des somatisations. Les dépressions ou troubles anxieux concernent tout un chacun et empêchent de fonctionner au quotidien, dans son couple, en famille ou au travail. Toute personne concernée devrait pouvoir trouver l’aide adaptée, exhortent les médecins.
Laura Drompt
Pour trouver la bonne adresse
- Les médecins de famille. Ils peuvent orienter le choix quant à la thérapie ou entre psychologue et psychiatre. Passer par eux permettra, avec le système de prescription, d’assurer une solution remboursée.
- Le bouche-à -oreille. Il permet de se renseigner sur la méthode appliquée et l’attitude du ou de la psy, même si ce qui convient à des amis n'est pas toujours adapté à ses propres besoins.
- Les annuaires. Ils identifient les psychologues, psychothérapeutes et psychiatres. Il existe des listes cantonales ou fédérales, comme le Registre psyreg.admin.ch, qui manque toutefois d’exhaustivité. Le site psychologie.ch/fr/recherche-de-psy affiche de multiples informations: présentation des méthodes utilisées, âge, sexe, qualifications, langues, délai d’attente et typologies de patients bienvenus.