Niché sur le haut de la falaise dominant le village de Cheyres (FR), un petit oratoire en demi-dôme abrite la source de Bonnefontaine. Il règne une atmosphère un brin mystique: son eau est réputée miraculeuse depuis une apparition de la Vierge en 1636. Elle aurait guéri des infirmes et des pestiférés.
En s’approchant de la fontaine, l’œil du visiteur est toutefois attiré par un «Avis à la population». L’affiche prévient que «la teneur moyenne en métabolite du chlorothalonil R471811 sur l’eau distribuée dans les districts de la Broye dépasse la valeur maximale admise».
En d’autres termes, tout prodigieux qu’il soit, le précieux breuvage de Bonnefontaine contient trop de résidus de pesticides! De fait, la région est agricole et les paysans ont arrosé leurs cultures de chlorothalonil pendant des décennies jusqu’à son interdiction en 2020. Une réévaluation de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) avait abouti au classement de la substance active comme cancérigène probable, un an plus tôt.
Les progrès scientifiques améliorent notre sécurité, mais ils révèlent aussi des pollutions inquiétantes. Dans notre pays, près de 700 000 personnes consomment de l’eau dont la teneur en métabolites de chlorothalonil dépasse les valeurs maximales. Plus globalement, près de 300 pesticides sont autorisés par la Confédération, et nos robinets délivrent parfois d’improbables cocktails chimiques. En 2021, des prélèvements de Bon à Savoir ont montré jusqu’à 16 résidus de pesticides dans un même échantillon.
Ces signaux d’alarme n’ont pas empêché le peuple de rejeter les deux initiatives anti-pesticides, jugées trop extrêmes. Le Conseil fédéral a, néanmoins, fait un petit pas dans la bonne direction en approuvant, l’an passé, une série d’ordonnances visant à réduire les risques liés aux produits phytosanitaires.
La situation est d’autant plus complexe que les pesticides ne constituent pas le seul problème. Des analyses toutes récentes de Bon à Savoir montrent que la moitié des 1500 échantillons d’eau envoyés par nos lecteurs contiennent des composés perfluorés et polyfluorés (PFAS) (lire ici). Ces polluants cancérigènes sont qualifiés d’éternels, car ils sont extrêmement persistants et s’accumulent partout, y compris dans le corps humain. Pour changer les choses, il faudra un miracle... ou simplement des décisions politiques courageuses.
Sébastien Sautebin