Que peut-on s’offrir avec 75 centimes? Quelques carambars, des fraises tagada… ou un directeur de caisse maladie. Faites le calcul: Ruedi Bodenmann, directeur d’Assura, touche 780 690 fr. par an. Pour un gros million d’assurés, ça fait 75 centimes chacun. Comptez 44 centimes par personne pour financer le revenu de Philomena Colatrella, directrice de la CSS (743 766 fr.).
Pas grave, justifie Assura, en expliquant que la moitié de ce salaire provient des revenus des polices complémentaires, et donc facultatives.
Ce raisonnement, qu’on applique aussi aux honoraires de certains médecins, est dangereux. Une assurance complémentaire ne peut pas être comparée à un parfum et les acteurs de la santé, contrairement aux directeurs de Guerlain ou de Dior, ont des comptes à rendre. Sinon, la Suisse basculera pour de bon dans une médecine à trois vitesses.
En première classe, chambre privée et libre choix du médecin. Ce modèle, longtemps accessible à la classe moyenne, est désormais réservé à l’élite. Les retraités sont toujours plus nombreux à résilier des polices complémentaires qu’ils ont pourtant payées toute leur vie durant. Les familles, elles, n’y pensent même pas.
En deuxième, le gros des troupes avec l’assurance de base flanquée d’un «modèle alternatif». A choix, le call center (vous expliquez vos bobos à quelqu’un qui parle laborieusement le français fédéral) ou un médecin de famille, qu’on souhaite disponible ce jour-là.
En troisième, le nombre croissant de ceux qui prennent la franchise maximale, histoire de pouvoir payer leurs primes. Les premiers 2500 fr. sont à votre charge, Madame. Et, pour votre bronchite, réfléchissez avant de consulter, un thé pectoral fera l’affaire.
Dans ce contexte, la brillante idée de la directrice de la CSS de proposer une franchise à 10 000 fr. est simplement indécente.
Claire Houriet Rime