Notre lecteur Pierre Lauper, de Noville (VD), nous signalait récemment qu’un matelas Emma, vendu 330 fr. en France coûte… plus de 900 fr. dans notre pays! Nous ne le savons que trop bien: nous vivons dans un îlot de cherté au cœur de l’Europe. L’une des raisons principales? De nombreux fournisseurs étrangers obligent les entreprises suisses à passer par des importateurs officiels qui imposent des prix surfaits. Ces surcoûts se répercutent ensuite sur les consommateurs.
Or, le 19 mars, l’Assemblée fédérale a accepté le contre-projet indirect à l’initiative pour des prix équitables (lire «Ilôt de cherté, une lueur d’espoir»). Ce vote, qui va modifier la Loi sur les cartels (LCart), était essentiel pour combattre la cherté à l’importation. Les sociétés suisses auront ainsi le droit de choisir librement leur fournisseur et de se faire livrer, depuis l’étranger, à des tarifs similaires à ceux facturés dans les autres pays. Et elles devraient pouvoir se tourner vers la Commission de la concurrence (COMCO) en cas de problème.
Autre avancée majeure: le géoblocage sera interdit. Les e-boutiques étrangères ne pourront plus rediriger automatiquement les internautes suisses vers des versions en .ch de leurs sites, massivement plus chères. Nous devrons être traités aux mêmes conditions que les clients du pays où est basé le commerce en ligne.
Satisfaits du contre-projet, les auteurs de l’initiative ont annoncé qu’ils retireront cette dernière si la décision des Chambres n’est pas combattue par référendum. Ce retrait permettra au contre-projet d’entrer automatiquement en vigueur.
Impact réel inconnu
Mais quels seront les bénéfices réels pour nos porte-monnaies? Le surveillant des prix, Stefan Meierhans, salue le vote des Chambres, mais juge impossible d’en évaluer les conséquences. Le préposé fédéral, qui affiche «un optimisme prudent», rappelle que le texte ne vise pas directement les prix réglés par les consommateurs, mais ceux, excessifs, que les entreprises, en Suisse, doivent payer. «Si, par exemple, un restaurant peut acheter ou entretenir son lave-vaisselle à moindre coût, cela ne signifie pas automatiquement que le verre de blanc sera moins cher», prévient Monsieur Prix.
L’impact réel sur la cherté dépendra, en fait, de plusieurs facteurs: il faudra, d’une part, que les fournisseurs étrangers se conforment aux nouvelles dispositions légales et, le cas échéant, que les autorités suisses veuillent et puissent les faire appliquer. D’autre part, il importera que les entreprises et les distributeurs répercutent les économies réalisées sur les prix de vente. Monsieur Prix précise qu’il sera vigilant et interviendra au besoin. Selon lui: «C’est l’interdiction du géoblocage qui profitera probablement le plus aux consommateurs. Mais cela ne fonctionnera probablement pas sans poursuites judiciaires.»
Sébastien Sautebin