En plein hiver, la bouilloire électrique est une solution commode pour se préparer une bonne tasse de thé. Le hic, c’est qu’on ingère souvent, sans le savoir, des microplastiques, car des petites particules se détachent des parois et du couvercle des bouilloires lorsque l’eau est portée à ébullition. Six modèles sur les dix que nous avons passés au crible ont relâché des particules d’une taille comprise entre 5 et 50 micromètres. A titre de comparaison, un cheveu humain a une épaisseur de 60 à 100 micromètres.
Les microplastiques sont partout. Ces particules polluent l’air, la mer, le sol et les aliments (lire encadré «Le plastique, un fléau mondial»). On en retrouve par exemple dans l’eau potable, les moules, la bière ou le sel de mer. Selon un rapport de l’Université australienne de Newcastle, un individu moyen pourrait ingérer jusqu’à 5 g de plastique chaque semaine, soit le poids d’une carte de crédit.
Danger mal connu
On ignore toujours, pour l’instant, le risque que représente, à long terme, les microplastiques. Le problème est connu depuis des années, mais il n’existe actuellement ni valeurs limites juridiquement contraignantes ni évaluations concrètes du risque pour la santé des consommateurs.
L’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) estime que les particules de moins de 150 micromètres restent dans l’organisme et peuvent être absorbés par les tissus. Des études réalisées sur des animaux en ont décelé des traces dans les parois intestinales et les vaisseaux lymphatiques. Ces minuscules particules peuvent causer une inflammation locale, avertit l’EFSA. Les chercheurs soupçonnent également qu’elles affectent le système immunitaire.
Substances dangereuses dans le corps
L’Institut allemand d’évaluation des risques a signalé un autre danger. Les microplastiques peuvent introduire dans l’organisme des polluants chimiques, tels que des hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), qui sont cancérigènes, ou des plastifiants qui perturbent le système hormonal.
Il ressort de notre test que cinq bouilloires ont libéré du polyamide. Les fabricants utilisent ce polymère, car il est particulièrement résistant à la chaleur. A fortes doses, ce matériau est soupçonné d’endommager le foie et la thyroïde. Nous avons également décelé des traces de polypropylène, considéré comme sans risque, dans la Satrap Aqua W3.
Privilégier le métal ou le verre
En l’absence d’évaluation complète des risques des microplastiques, Bon à Savoir recommande, par mesure de précaution, de s’abstenir d’utiliser des bouilloires en plastique et de, plutôt, privilégier les modèles en métal ou en verre.
Interpellés sur nos résultats, les fabricants sont conscients du problème. Melitta écrit que le chauffe-eau Enjoy n’est plus produit. Les discussions sur le sujet sont suivies de près, afin de «respecter en toute sécurité les éventuelles valeurs limites futures», ajoute l’entreprise. Coop veut prendre en considération les résultats du test pour ses nouveaux appareils. Quant à Migros, elle signale que des modèles en verre et en métal sont disponibles pour ceux qui veulent se passer du plastique.
Andreas Schildknecht / ab
Plastique: un fléau mondial
La production de plastique a connu une croissance vertigineuse au cours des dernières décennies. Pas moins de 335 millions de tonnes ont été fabriquées en 2016 dans le monde, dont 60 millions en Europe. Ces chiffres ne tiennent pas compte du PET, un plastique très répandu, utilisé notamment pour les bouteilles. Selon le WWF, un tiers du plastique produit dans le monde serait rejeté dans l’environnement.
Rien qu’en Suisse, quelque 5000 tonnes de plastique finissent dans la nature chaque année, estime une étude du Laboratoire fédéral d’essai des matériaux et de recherche (Empa). Sur ce total, 615 tonnes sont constituées de microplastiques, soit des particules d’un diamètre inférieur à 5 mm. Première source de microplastiques, le caoutchouc libéré par l’abrasion des pneus n’est pas inclus dans cette analyse.
Selon l’Empa, l’agriculture et la construction sont les secteurs qui répandant le plus de microplastiques dans les sols. Ceux-ci proviennent notamment de la désagrégation de films et de conduites en plastique ainsi que de l’installation et du démontage des isolations dans les habitations. L’élimination des déchets contribue aussi à la pollution par les microplastiques. Quant à la contamination des eaux, elle est due principalement au lavage, au port de vêtements en fibres synthétiques ainsi qu’aux cosmétiques.
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Les critères du test
Le Laboratoire PZT à Wilhelmshaven (D) a testé dix bouilloires en plastique. Il a chauffé de l’eau à 250 reprises dans chaque appareil. Les bouilloires ont ensuite été nettoyées avec un détartrant standard. Les experts les ont enfin remplies avec de l’eau purifiée sans microplastique et les ont portées à ébullition. Un autre laboratoire, spécialisé dans les microplastiques, a analysé l’eau au microscope et au spectromètre à infrarouge, afin d’identifier le genre de plastique.