En 2015, 55% des nouveaux retraités ont choisi de retirer le capital de leur 2e pilier, 45% de le convertir en rentes à vie. Or, d’après une récente enquête fédérale, un tiers des personnes qui bénéficient de prestations complémentaires ont, au préalable, choisi de toucher leur prévoyance professionnelle en une seule fois, qu’ils ont ensuite dilapidée. Autrement dit: la collectivité paie leur imprudence, car ils n’auraient vraisemblablement pas eu besoin de soutien public s’ils avaient choisi la rente. C’est ce qui pousse le Conseil fédéral, récemment suivi par le Conseil des Etats, à vouloir imposer cette dernière. Le Conseil national doit encore se prononcer.
Concrètement, cela voudrait dire que l’assuré toucherait de toute façon une rente sur la part obligatoire de son 2e pilier, et garderait le choix pour la part surobligatoire.
Démonstration
Sans tenir compte du résultat de la votation du 24 septembre prochain sur le projet «Prévoyance 2020» (1), voici ce qu’impliquerait l’interdiction de retirer l’intégralité du 2e pilier sous la forme de capital. Prenons l’exemple d’un célibataire lausannois qui prendrait sa retraite à 65 ans, aujourd’hui, avec les données suivantes.
⇨ Ses cotisations durant 44 ans lui donnent droit à une rente pleine AVS, soit 2350 fr./mois.
⇨ Il dispose d’un capital de 550 000 fr. dans sa caisse de pension, dont 350 000 fr. proviennent de la part obligatoire.
Le choix de la rente intégrale
S’il choisit l’option de la rente à 100%, elle se montera à 2750 fr. par mois en plus de l’AVS.
Avantages
⇨ La rente est assurée à vie, ce qui garantit une sécurité optimale. Elle est parfois – mais de plus en plus rarement – indexée au fil du temps.
⇨ En cas de décès, le conjoint survivant bénéficie d’une rente de veuf ou de veuve correspondant à au moins 60% de celle du défunt. Ce qui représente, dans notre exemple, 1650 fr. par mois.
⇨ Pas d’impôt sur le capital.
⇨ Pas d’impôt supplémentaire sur la fortune.
⇨ Revenu total (avec l’AVS): 5100 fr./mois.
Inconvénients
⇨ Aucune flexibilité (impossible de retirer de l’argent).
⇨ La rente de 2e pilier, tout comme celle de l’AVS, sont imposées à 100% comme source de revenus. Et la taxation est beaucoup plus salée qu’on pourrait le croire, puisque notre exemple va devoir céder au fisc plus de 17% de ce qu’il perçoit, soit 870 fr. par mois!
⇨ En cas de décès, les héritiers n’ont aucun droit.
⇨ La rente est certes garantie, mais relativement basse. Actuellement, elle correspond au capital multiplié par un taux enveloppant moyen de 6% (1).
Le choix du capital partiel
S’il choisit de retirer le capital constitué grâce à la partie surobligatoire, la caisse de pension va lui verser.
⇨ une rente sur la partie obligatoire de 350 000 fr. à multiplier par le taux de conversion minimal fixé par la Confédération (6,8% pour l’instant (2)), soit 1983 fr./mois;
⇨ Un montant unique de 200 000 fr.
Avantages
⇨ Notre exemple va pouvoir consommer le capital à sa convenance. Ce qui lui permet, notamment, de retirer des sommes durant les premières années de sa retraite active.
⇨ Contrairement à la rente de 2e pilier, il ne paiera pas d’impôts sur ces retraits.
⇨ Il a la possibilité de faire fructifier le solde du capital en le plaçant judicieusement. Mais, pour un placement sans risque, le rendement est actuellement très faible (1% au mieux).
⇨ Le solde du capital est intégré dans la succession en cas de décès avant sa consommation totale.
⇨ Il dispose d’un revenu total à vie (AVS comprise) de 4333 fr./mois.
Inconvénients
⇨ Au moment du retrait, le capital est imposé en une fois (10%, soit 20 000 fr. dans notre exemple).
⇨ La bonne gestion de ce capital reste l’affaire de l’assuré.
⇨ Il va devoir payer l’impôt sur la fortune que représente le solde du capital.
⇨ De même, il va devoir s’acquitter d’un supplément de l’impôt sur le revenu, le maigre rendement de la fortune augmentant le montant des rentes.
⇨ Pas de prestations de survivants fixes.
⇨ Mais, surtout, le revenu est moindre lorsque le capital est complètement consommé (767 fr./mois de moins qu’avec la rente de prévoyance intégrale).
Christian Chevrolet