Les produits multiusages, apparus il y a une dizaine d’années dans le secteur des cosmétiques, ont tout de suite connu un vif succès. Les consommateurs se sont révélés très friands de ces shampooings, dentifrices et autres liquides qui font tout à la fois.
Ce phénomène, les fabricants de détergents ménagers l’ont bien compris. A leur tour, ils ont cherché à rendre leurs produits plus fonctionnels. Ainsi sont nées, il y a environ deux ans, les pastilles 3 en 1 pour lave-vaisselle qui, au-delà du lavage, prétendent intégrer les fonctions du sel régénérant et du liquide de rinçage.
Eaux dures s’abstenir
«Un produit de commodité, admet Jürg Zysset, directeur technique chez Lever Fabergé (qui regroupe de nombreuses marques de produits de nettoyage et de soins corporels), puisque l’ajout de sel et de liquide de rinçage devient superflu.» Sauf si l’eau est d’une dureté extrême, ce qui, soit dit en passant, est le cas dans un quart des communes vaudoises. Cette contre-indication, signalée au dos des produits, est d’ailleurs valable pour toutes les grandes marques.
Autre son de cloche chez les fabricants de lave-vaisselle, qui déconseillent tous l’utilisation des 3 en 1. Miele, par exemple, les incrimine directement lors de mauvais résultats au lavage, dans une fiche placée à l’intérieur des lave-vaisselle neufs.
Et Andréas Scheidegger, chef monteur pour Bauknecht, recommande à ses clients de continuer à mettre du sel régénérant dans le réservoir prévu à cet effet, car les deux produits n’ont pas la même action: «Alors que le sel adoucit l’eau dès son entrée dans la machine, la pastille 3 en 1 n’entre en fonction qu’en cours de lavage. La machine est donc moins bien protégée contre l’entartrage.»
Autre inconvénient: les pastilles sont calibrées pour de grands lavages; donc, lorsqu’il y a peu de saleté ou lorsqu’on utilise le mode économique, on risque l’overdose! «Si les gens continuent à utiliser du liquide de rinçage en plus des pastilles 3 en 1, l’excédent de produit crée de la mousse qui peut causer un débordement», prévient Andréas Scheidegger.
Problèmes de dosage
En plus, lorsqu’il y a surdose, les verres ressortent blancs et les pièces métalliques oxydées. Or, si l’on utilise les produits classiques, les machines sont programmées pour libérer le liquide de rinçage automatiquement, les modèles récents disposant même d’appareils qui calculent la dureté de l’eau utilisée. Ainsi, le sel est dosé de manière totalement adaptée aux besoins des utilisateurs: non seulement la quantité est exacte, mais, surtout, elle est dispensée au bon moment durant le lavage.
Même point de vue pour Marc Petignat, vendeur en électroménagers: «Je conseille toujours à mes clients d’utiliser les trois produits séparément, en s’assurant qu’ils soient de la même marque pour éviter des réactions chimiques.» Pour lui, utiliser les pastilles 3 en 1 ne sert à rien, d’autant que certaines personnes rincent la vaisselle à la main avant de la placer dans la machine. Résultat, les pastilles libèrent trop de produit: «Et lorsqu’il n’y a plus de saleté à laver, les détergents commencent à s’attaquer aux ornements des vaisselles décorées», avertit le spécialiste.
Peu économique
Enfin, les détergents en pastille n’arrivent à se dissoudre complètement que lors de lavages à haute température. En utilisant un programme économique ou à température moyenne, des résidus de produit persistent et encrassent donc la machine.
Y.-A. C.
aberration écologique
Les phosphates remplacent le sel
A l’époque où les phosphates ont été interdits dans les lessives pour le linge, les fabricants de détergents pour lave-vaisselle ont essayé de compacter leurs poudres en pastilles. Pour ce faire, la dose de phosphates a dû être fortement augmentée... En effet, si les poudres arrivent sans problème à se dissoudre dans l’eau, les pastilles sans phosphates ont besoin de trop de temps pour bien se désagréger.
Avec l’introduction des fonctions 3 en 1 dans leurs pastilles, les fabricants ont encore dû augmenter la teneur en phosphates, qui jouent en fait le rôle de substitut au sel. On en trouve jusqu’à 60% dans certains produits. Jürg Zysset, directeur technique chez Lever Fabergé, justifie: «Avec une eau dure, les phosphates offrent encore et toujours le meilleur effet anticalcaire.» Et d’ajouter que «toutes les prescriptions légales sont respectées».
Si toutes les grandes marques clament la nécessité des phosphates, une autre formule existe pourtant. Elle commence a être exploitée en Suisse alémanique, sous forme de détergent bio.