Faut-il être riche comme Crésus pour s’offrir une villa au standard Minergie-P (lire encadré page 13)? Non, à en croire les architectes qui en construisent. «Nous le disons souvent à nos clients: la différence de coût est minime», confirme Conrad Lutz. L’architecte fribourgeois précise que l’écart a notablement diminué depuis le durcissement des exigences légales, notamment la modification de la norme SIA 380/1 en 2009 qui, en améliorant l’isolation thermique des constructions traditionnelles, a aussi augmenté leur coût.
Prenons une même villa d’environ 220 m2, bâtie, une fois, selon la norme obligatoire SIA 380/1 (2009) et, l’autre fois, au standard Minergie-P. Conrad Lutz évalue la plus-value de cette dernière à 49 400 fr. sur un total de 750 000 fr., soit environ 7%. Un montant duquel il est possible de déduire une subvention Minergie-P variant, selon les cantons, entre 10 000 fr et 15 000 fr. Dans cet exemple précis, les plus-values se concentrent essentiellement sur la ventilation contrôlée double flux (+20 000 fr.), l’isolation thermique supplémentaire (+18 900 fr.) et le triple vitrage (+7 000 fr.).
Un investissement supplémentaire de 7%, cela paraît étonnamment modéré. Il est d’ailleurs nettement inférieur au surcoût maximal de 15% que le standard Minergie-P s’est fixé.
Un autre exemple (voir tableau 2), basé sur une villa individuelle actuellement en construction dans le Nord vaudois, sous la direction de l’architecte Marcel Halter, confirme cet ordre de grandeur en révélant des chiffres relativement similaires. Hors subventions, la plus-value de la Minergie-P atteint 9,3% par rapport à la version SIA 380/1 (et 5,3% pour une Minergie simple), soit 61 000 fr. sur un total de 720 000 fr.
Economies relatives
Le surcoût paraît donc raisonnable, mais peut-il être amorti par les économies d’énergie réalisées sur le chauffage? La réponse dépend évidemment des objets comparés et des choix dans le système de chauffage. En se fondant sur les consommations maximales admises par les normes SIA 380/1 (43 kWh/m2), Minergie (38 kWh/m2) et Minergie-P (30 kWh/m2), et en comparant ces consommations pour un même système de chauffage (en l’occurrence une pompe à chaleur), la différence atteint 30,23%, d'après les calculs de Conrad Lutz (voir tableau 1). Ce pourcentage non négligeable se traduit cependant par des économies relativement faibles: moins de 200 fr. par an avec un kWh à 25 ct. Un chiffre qui pourrait toutefois atteindre 371.40 fr. par an en 2022, si l’on admet l’hypothèse selon laquelle le prix du kWh doublera dans les 10 ans à venir. A ce tarif, il faudrait tout de même encore 162 ans pour amortir le surcoût de 49 400 fr.
«Quand on évalue l’intérêt d’une maison Minergie-P, l’argument principal n’est pas tant les économies d’énergie que le confort qu’elle procure», rétorque Conrad Lutz. Selon l’architecte, le système d’aération mécanique contrôlé des Minergie-P et Minergie garantit une grande qualité de l’air intérieur. «Lorsqu’il n’y a pas de renouvellement, l’excès de CO2 provoque de la fatigue et de l’inconfort. Chaque être humain a en effet besoin de 20 m3 d’air par heure. Si vous ouvrez les fenêtres, vous vous exposez aux courants et à un rafraîchissement brusque de la température de la pièce en hiver. Avec la ventilation contrôlée, ces inconvénients sont supprimés.»
Sébastien Sautebin
Pour aller plus loin:je deviens propriétaire
Pour télécharger les tableaux comparatifs, se référer à l'encadré au-dessous de la photo.
Des maisons qui consomment peu
Déclinaison plus rigoureuse du standard Minergie, le Minergie-P vise une très faible consommation d’énergie pour le chauffage du bâtiment, grâce à une conception pointue.
Parmi les caractéristiques:
- une forme simple et compacte contre les déperditions de chaleur;
- une excellente isolation thermique et une étanchéité à l’air de l’enveloppe du bâtiment;
- de grandes surfaces vitrées orientées vers le sud pour emmagasiner la chaleur solaire;
- un système d’aération mécanique douce qui permet de renouveler l’air en permanence sans refroidir l’intérieur en ouvrant les fenêtres.