Et si les lasagnes qui se trouvent dans votre assiette étaient bel et bien composées de bœuf, mais tellement grasses et salées qu’il faudrait s’en passer? Ces dernières semaines, l’Europe s’est insurgée contre la présence de cheval dans ces plats précuisinés, révélant ainsi une tromperie sur la marchandise et son étiquetage. Mais qu’en est-il de la qualité de la viande? D’où vient-elle? Les lasagnes sont-elles un plat équilibré? En collaboration avec l’émission On en parle (RTS, La Première), nous avons passé au crible seize produits contenant tous du bœuf et parfois aussi du porc.
Du bœuf oui. Mais d’où?
Bonne nouvelle: nos analyses n’ont décelé aucune trace de cheval et le type de viande annoncé sur l’emballage était conforme dans toutes les barquettes. En revanche, nous n’avons reçu aucune information détaillée sur sa traçabilité pour treize des seize articles (voir tableau), bien que les vendeurs garantissent pouvoir la retrouver. Dans les trois autres cas, les renseignements obtenus étaient complets. Au point que nous avons pu retracer le parcours de la vache jusqu’à connaître la commune où elle a grandi et, parfois même, son prénom! Et ainsi obtenir la preuve que le bœuf de ces trois plats a bel et bien été élevé, puis abattu en Suisse.
Dans un deuxième temps, nous avons soumis les barquettes à l’œil expert de Corinne Kehl, enseignante à la Haute Ecole de santé de Genève, filière nutrition et diététique, pour établir leur bilan nutritionnel (lire encadré «Les critères du test»). Le constat est clair: les variations sont très importantes d’un plat à l’autre, en commençant par le sel. En mangeant une portion de 330 g (quantité raisonnable pour une femme), on passe de 2,7 g pour les lasagnes Rana, les moins salées, à 4,9 g pour les Prix Garantie. Or, la consommation quotidienne préconisée par l’OMS se limite à moins de 5 g de sel par jour. Ainsi, même avec les moins salées du lot, 54% de la quantité journalière est déjà couverte.
Graisse et collagène
En revanche, les lasagnes ne sont pas hyper riches en matières grasses (6% en moyenne). Avec une nuance toutefois, puisque, là aussi, on peut passer du simple à plus du double si on choisit les Rana (9,5%) plutôt que les Bon Choix (4%), ou les congelées de Denner (4%). Mais, comme le souligne Corinne Kehl, un pourcentage de graisse plus important est légitime lorsqu’il y a davantage de viande.
Or, celle-ci se fait rare: 10% seulement dans les lasagnes fraîches de Denner, comme dans les M-Budget, Prix Garantie et Coop Naturaplan. C’est bien peu, mais compréhensible pour les trois premières qui sont avantageuses (50 ct. les 100 g). En règle générale, on constate donc que les articles bon marché ont peu de viande.
De la viande, c’est bien. Mais encore faut-il qu’elle soit de qualité. Or, les industriels recourent au collagène, un amas peu ragoûtant d’os, de peaux, de pelages et de tendons. En Suisse, les produits avec mention «viande de» peuvent en contenir jusqu’à 25% tandis que, pour la «viande hachée», la limite légale est à 15%, voire 18% quand il y a du porc. D’où l’astuce des industriels qui préfèrent mentionner «viande de» pour faire grimper le taux de collagène en toute légalité.
Selon la loi, tous les échantillons analysés par le laboratoire étaient conformes (moins de 25%). Mais pour le consommateur qui s’attendait à manger une viande de qualité, c’est raté: huit barquettes contenaient plus de 15% de collagène. Raison pour laquelle nous les avons signalées par un smiley orange dans notre tableau. Le bonnet d’âne revient aux lasagnes Bolognese fraîches de Denner (24,5%), la palme aux Rana (4,9%).
Tous les produits contiennent également beaucoup d’eau (70% en moyenne), en particulier les meilleur marché, à l’instar de la Prix Garantie. Peu de viande et beaucoup d’eau: rien de tel pour faire baisser le coût… et les calories. Les Weight Watchers en savent quelque chose. Elles n’ont d’ailleurs pas été classées, puisqu’elles ont la particularité d’être allégées.
Rappelons, enfin, qu’une portion standard de 330 g ne suffira pas à un bon mangeur. En conséquence, les lasagnes peuvent vite devenir un repas très calorique et la quantité de graisses et de sel, encore convenable ici, risque bien d’exploser. Sans oublier qu’il faudrait les accompagner d’une salade ou d’une soupe de légumes pour prétendre à un repas équilibré.
Marie Tschumi
Bonus web:Qualité des raviolis à la viande
Pour télécharger le tableau comparatif, se référer à l'encadré au-dessous de la photo.
EN DÉTAIL
Les critères d’évaluation
Corinne Kehl, enseignante à la Haute Ecole de santé de Genève, filière nutrition et diététique, a analysé les lasagnes selon les quatre critères suivants.
Valeurs nutritionnelles
1/ Teneur en sel: obtenue en multipliant la teneur en sodium (figurant sur l’étiquette) par un facteur de 2.5.
2/ Teneur en lipides: selon les informations données sur l’étiquette.
Composition
3/ Teneur en viande: somme de la teneur en bœuf et en porc, telle qu’indiquée sur l’étiquette.
4/ Teneur en eau: valeur obtenue en soustrayant de 100 g la somme des nutriments (protéines + glucides + lipides + fibres + sel).
Chacun des critères a été noté sur une échelle de 0 à 10. C’est leur moyenne qui a donné la note finale.