Elles font miroiter leur supériorité chimique et organoleptique sur leurs flacons avec la mention «vierge extra» ou «extra vergine». Ces huiles d’olive appartiennent effectivement à la plus haute classe qualitative. Elles sont donc censées être fraîches, équilibrées et naturelles. Elles doivent aussi être plus riches et saines, avec davantage de polyphénols ou de vitamine E.
Pourtant, les exigences légales qui permettent de les classer dans la catégorie des «vierge extra» ne sont pas très élevées. Ce n’est d’ailleurs par un hasard si elles se trouvent partout et que leur prix au litre peut varier de quelque francs à plusieurs dizaines de francs.
Bon à Savoir a donc soumis vingt produits à un laboratoire spécialisé pour en faire analyser la qualité chimique (lire encadré). Ensuite, des experts italiens ont procédé à une dégustation à l’aveugle. Car, pour l’huile d’olive comme pour le vin d’ailleurs, les défauts ne sont pas nécessairement perceptibles par des tests chimiques. En revanche, ils n’échappent pas à l’odorat et au palais de dégustateurs professionnels.
Ecarts impressionnants
Dans l’ensemble, c’est la déception qui l’a emporté avec de grosses disparités entre les produits. Certes, tous sont conformes aux normes très conciliantes. Mais seuls trois ont été jugés «très bon» et quatre «bon». Les treize autres ont dû se contenter de l’appréciation «suffisant». Sachant que les trois quarts des flacons ont franchi l’analyse chimique avec réussite, c’est bien au niveau du goût et de l’odorat que les choses se gâtent.
La grande gagnante est une huile de la région du lac de Garde: la Numero Uno de Comincioli. Ses résultats sont remarquables à tous les niveaux. Les dégustateurs ont été emballés par son nez et son goût: un équilibre parfait grâce à ses arômes frais, son intensité et son fruité relevé d’une amertume typique. Mais ce nectar est aussi le plus cher du test, avec un prix au litre (96 fr.) à faire pâlir des grands crus bordelais.
La deuxième huile la plus chère du lot, la Torre Bianca (69.60 fr.) termine sur la seconde marche du podium. En embuscade, on retrouve La Rocca, avec une excellente note aussi malgré son prix plus doux (30.80 fr.). La Minos, vendue chez Aldi, est certes distancée, mais c’est le seul produit à moins de 10 fr. le litre qui obtenu une bonne note à la dégustation.
Supermarchés largués
Toutes les autres huiles qu’on trouve dans les rayons des grands distributeurs ont marqué le pas. Leur composition chimique ne pose pas vraiment de problème, mais leur saveur et leur odeur ne tiennent pas la comparaison. Huit d’entre elles ont même été jugées «peu satisfaisant» par les dégustateurs: la Luccese, la Primadonna, la M-Budget, la Monini Classico, la Coop Qualité & Prix, la Filippo Berio Classico, la Bertolli et la Bellasan. Les critiques du jury ont fusé tant sur la faiblesse des arômes verts et frais que sur celle du fruité, le manque d’amertume et d’équilibre ou l’insuffisance de saveurs.
Quelques enseignes ont réagi à nos résultats. Coop dit que toutes les huiles d’olive vendues sur ses étals répondent à ses propres normes et exigences. Elle explique que chaque fournisseur lui livre les produits avec une analyse de laboratoire à l’appui. Et qu’ils sont ensuite mis sur le marché après avoir été contrôlés par son team d’assurance qualité. Aldi s’étonne des notes de dégustation obtenues par le Bellasan. Le hard discounter argue que ses propres tests, réalisés par des experts allemands, avaient donné de meilleurs résultats. Carapelli, le fabricant de la Bertolli, souligne qu’une dégustation reste subjective. Ce qui est constestable, puisque cette évaluation est basée sur des critères objectifs, en conformité avec la norme européenne 2568/9 (lire encadré). Certains points permettent, en effet, de distinguer une bonne huile d’olive d’une autre. Elle doit avoir des notes fraîches et des arômes de fruits verts et poivrés en bouche. Des senteurs d’herbe fraîchement coupée, d’olives vertes ou d’artichaut sont également de bons indicateurs de qualité. Tout comme l’amertume et une légère âpreté en gorge.
A l’instar du vin, l’équilibre est très important. L’amertume, par exemple, ne dominera pas le fruité et inversement. Quoi qu’il en soit, l’amertume et la vigueur ne doivent pas faire peur. Car il ne faut pas oublier que l’huile d’olive s’associe avec d’autres saveurs.
Par rapport au test que nous avions publié en mai 2012, d’aucuns s’étonneront des résultats sensiblement différents. Il faut se rappeler que celui-ci s’était focalisé sur la teneur en polyphénols uniquement. Dans l’édition que vous avez dans les mains, l’approche a été plus globale. Et ce qu’il ne faut pas perdre de vue non plus, c’est que l’huile d’olive, tout comme le vin d’ailleurs, est un produit vivant qui varie en fonction des années et des récoltes.
Andreas Schildknecht / yng
EN DÉTAIL
Les critères du test
1 / Goût/odeur: dix experts de l’Association italienne des dégustateurs professionnels d’huile d’olive (Anapoo) ont goûté les vingt produits à l’aveugle. En conformité avec la norme européenne 2568/91, ils ont noté l’aspect global ainsi que l’équilibre, l’intensité et l’odeur des huiles. Parallèlement aux prescriptions de la norme, d’autres aspects sensoriels ont été pris en compte.
2 / Qualité chimique: le Laboratoire Metropoli à Florence (I) s’est penché sur les aspects chimiques. L’analyse fournit des informations sur la fraîcheur, le processus de production et le stockage des produits. Voici les points qui ont été passés à la loupe.
> Polyphénols: plus ils sont élevés, plus l’huile est amère et mieux elle se conserve. C’est aussi un gage de qualité. Il faut savoir que les polyphénols sont bons pour la santé, en protégeant notamment contre les maladies cardiovasculaires.
Leur composition est, elle aussi, très informative: s’il y a une forte présence de vitamine E,
c’est que l’huile est naturelle et inversement. Raison pour laquelle cette analyse a aussi été effectuée.
> Coefficient K: plus il est élevé, plus il indique que de l’huile raffinée – et donc de moins bonne qualité – a été ajoutée.
> Indice de peroxyde et teneur en acides gras libres: ces deux valeurs donnent des informations sur l’état de fraîcheur de l’huile et des olives utilisées. Les bons produits ont un niveau de peroxyde inférieur à 10 (limite à 20) et moins de 0,3% d’acides gras libres (limite à 0,8%).
> 1,2 diglycérides: une teneur élevée trahit des températures de production trop hautes ou un long stockage des olives.
> Pyrophéophytine: une huile d’olive fraîche est exempte de ce produit de dégradation. Plus il y a de chaleur, d’oxygène et de lumière durant les phases de production et de stockage d’un produit, plus la teneur en pyrophéophytine grimpe.