Le Laboratoire cantonal de Zurich l’a découvert en 2004 déjà: les aliments à l’huile conservés dans des bocaux – pesto ou antipasti par exemple – sont souvent contaminés par des plastifiants. Près de 96% des produits testés, à l’époque, dépassaient la limite autorisée, certains jusqu’à une centaine de fois.
Ces substances proviennent du joint d’étanchéité en polychlorure de vinyle (PVC) qu’on trouve à l’intérieur des couvercles. Elles sont ajoutées au PVC pour le rendre plus élastique, améliorant ainsi l’étanchéité du joint… mais pas la santé des consommateurs. Car ces plastifiants, qui sont dissous par l’huile, font office de perturbateurs endocriniens et peuvent endommager le foie. La loi tolère une valeur maximale de migration de 60 mg de matières plastiques par kilo de nourriture; pourtant, des concentrations plus élevées sont régulièrement mesurées depuis 2004.
A la suite des découvertes réalisées par le Laboratoire cantonal de Zurich, les autorités ont agi. Mais davantage pour protéger l’industrie que les consommateurs: l’Office fédéral de la sécurité alimentaire (OSAV) a purement et simplement levé la valeur limite pour les plastifiants de genre ESBO – précisément ceux utilisés pour les joints d’étanchéité – , afin de donner le temps aux fabricants de remplacer les couvercles en cause par des modèles plus sûrs. Or, près de dix ans plus tard, rien n’a changé: le Laboratoire cantonal de Zurich a constaté, en 2013, que la proportion d’échantillons contenant trop de plastifiants est «encore beaucoup trop élevée».
Trois bons produits seulement
Nous avons, dès lors, confié vingt-quatre préparations d’antipasti – conditionnés dans des bocaux en verre dotés d’un couvercle à vis – à un laboratoire spécialisé. Les produits sensibles que nous avons retenus: des poivrons, des champignons, des tomates et des artichauts à l’huile. Les experts ont analysé la présence et la concentration de tous les plastifiants usuels dans les joints d’étanchéité. Et les résultats confirment les conclusions de 2004 et de 2013, car seuls trois des
24 couvercles testés contiennent des plastifiants jugés inoffensifs: les Peperoni grigliati d’Aldi, les Pomodori essiccati de Lidl et les Pomodori secchi de Coop.
Les tomates du Fabricant bio Rapunzel s’en tirent, quant à elles, avec l’appréciation «suffisant». On retrouve bien un plastifiant de type polyadipate sur son opercule, mais il est peu probable qu’il puisse dépasser le seuil de migration. Il en va autrement pour tous les autres produits, dans lesquels le laboratoire a trouvé jusqu’à cinq plastifiants différents. La plus haute teneur (53% du poids du joint) a été mesurée dans les Pomodori secchi de la marque autrichienne Die Käsemacher, qui écopent de l’appréciation «mauvais».
La solution existe depuis 2005!
Le plus agaçant, c’est que des couvercles sûrs existent depuis 2005. Pourtant, à ce jour, rares sont les fabricants à les avoir adoptés. «Je m’attendais à ce que davantage l’aient fait», se désole le directeur du Laboratoire cantonal de Zurich, à qui nous avons soumis nos résultats.
Migros, chez laquelle cinq des antipasti jugés insatisfaisants ont été achetés, nous annonce avoir commencé à introduire des couvercles exempts de plastifiants. Denner précise que certains de ses bocaux en sont déjà équipés et que les tomates Agrimonti le seront dès le lot portant une date d’expiration au 28 février 2018. Quant à Die Käsemacher, il se borne à indiquer que son produit respecte les limites légales.
De leur côté, Coop et Globus prétendent qu’il n’est pas possible de se baser sur l’analyse du joint d’étanchéité pour déterminer si le taux de migration reste sous le seuil légal, mais qu’il faut faire les mesures dans les aliments. En soi, la remarque n’est pas fausse. Mais il est difficile de procéder ainsi, car l’ampleur de la migration dépend du temps passé par la nourriture dans son contenant, du nombre de déplacements et de leur amplitude. En toute logique, plus le couvercle entre en contact avec l’aliment, plus les plastifiants y migrent.
Alexandra Uster / vic
Eclairage
Même le bio est touché!
➛Les joints d’étanchéité bleus sont généralement exempts de plastifiants. Les blancs, eux, n’en contiennent pas obligatoirement. Mais, à l’œil nu, il est impossible pour le profane de les
distinguer de ceux qui en abritent.
➛Les produits munis d’un label bio ne sont pas forcément à l’abri. Par exemple, Bio Suisse interdit bien le PVC dans les emballages, mais avec une dérogation pour les couvercles, comme l’indique l’Institut de recherche de l'agriculture biologique (FiBL) dans le document «Couvercles à vis sans PVC». Pas non plus d’interdiction du côté de Migros Bio et du label bio européen.
➛Les confitures, les cornichons ou les épis de maïs sont rarement concernés par le problème, même lorsqu’ils sont conditionnés dans des bocaux, car ils ne contiennent que peu ou pas de graisses susceptibles de dissoudre ces substances nocives.