D’où viennent les œufs utilisés pour les barres chocolatées, les brioches et autres crêpes préemballés? Aucune indication à ce propos ne figurant sur les paquets, il est légitime de s’interroger sur leur mode de production.
En effet, si les élevages en batterie sont interdits en Suisse depuis 30 ans, l’Union européenne autorise encore les «cages aménagées» qui sont loin d’offrir aux pondeuses le niveau de confort minimal garanti par la législation helvétique (lire encadré).
Pas de ça chez nous
En collaboration avec l’émission On en parle (RTS-La Première), nous avons donc mené l’enquête auprès des grands distributeurs Aldi, Coop, Denner, Lidl et Migros ainsi que sur la plateforme LeShop.ch.
En préambule, nous leur avons demandé s’ils s’engageaient, en se fournissant à l’étranger, à n’acheter que des produits élaborés avec des œufs obéissant aux normes suisses. Une précaution qui exclurait d’emblée les élevages en cages, moins respectueux des gallinacés.
Tous nous ont répondu par l’affirmative. Ces bonnes intentions sont-elles mises en pratique? Pour le savoir, nous leur avons soumis une quarantaine d’articles de boulangerie et d’épicerie dont l’emballage n’indique pas le mode de production des œufs.
Chez Aldi, Denner, Lidl et Migros, aucun des produits de notre sélection ne déroge à cette règle. Dans la plupart des cas, les œufs proviennent d’élevages européens de ponte au sol et, plus rarement, de plein air.
Œufs de batterie chez Lu et Tuc!
En revanche, nous avons pris les autres distributeurs à défaut. Chez Coop, les Barquettes à la framboise et les biscuits Pim’s orange enrobés de chocolat, tous les deux livrés par Lu, ainsi que les Mini snackies original et Biscuits paprika de Tuc (une filiale de Lu) dépendent tous du groupe alimentaire Mondelèz. Or, ce dernier nous a indiqué que 85% de sa production provient de cages aménagées, sans se montrer plus précis sur les articles en question.
«Notre charte d’approvisionnement durable s’applique de manière générale à nos propres produits, justifie la porte-parole de Coop, Andrea Bergmann. Quant aux articles de marque, il incombe en priorité à leurs fournisseurs de veiller à ce qu’elle soit respectée.» Coop concède faire toutefois des entorses à la règle avec certains producteurs étrangers, ce qui est le cas pour le groupe Mondelèz.
Produits retirés
Quant au magasin en ligne LeShop.ch, il retire de son assortiment quatre produits à la suite de notre enquête. Les Briochettes de Brioche Pasquier, les Mini Brownies chocolat et pépites et le Gâteau marbré au chocolat Savane de Brossard ainsi que les Madeleines longues aux pépites de sucre de Le Ster sont, en effet, tous fabriqués avec des œufs de batterie.
«Nous vous remercions d’avoir attiré notre attention sur ce problème», réagit Dominique Locher, directeur de LeShop. A l’avenir, le vendeur en ligne continuera de se fier au contrôle effectué par Migros pour les produits du géant orange, mais promet de se montrer vigilant envers les autres fournisseurs. «Nous allons les contacter pour certifier que les œufs utilisés soient bien issus au minimum d’élevages au sol. Ceux qui ne remplissent pas cette condition seront retirés de notre assortiment.»
Une histoire d’arômes…
Nous avons gardé pour le dessert les petites crêpes Whaou!, du groupe breton Goûters magiques, dont on trouve différents arômes chez Migros, Coop et LeShop.ch, car elles illustrent bien les enjeux de la grande distribution. A l’heure actuelle, seules celles qui sont fourrées à la fraise ou au chocolat et vendues chez Migros et LeShop.ch contiennent des œufs de ponte au sol.
Les œufs utilisés pour les Crêpes au sucre vendues chez LeShop, de même que les Cracky crêpes céréales / chocolat proposées chez LeShop et Coop sont «standard», donc issus… de batteries. LeShop annonce renoncer aux Crêpes au sucre.
«A partir de novembre, nous passerons à la ponte au sol pour les crêpes aux céréales», assure le fournisseur. Qui se déclare du reste prêt à faire de même avec les autres arômes de la gamme… une fois franchi un certain seuil annuel de commandes.
Chez les grands de l’alimentation, la rentabilité passe décidément avant l’éthique. Les distributeurs ont encore du pain sur la planche pour mettre fin au martyre des poules pondeuses.
Claire Houriet Rime
Eclairage
Etiquetage flou, mais légal
En Suisse, les types de production vont de la ponte au sol au «bio». La lumière du jour est garantie dans tous les cas. Les volatiles peuvent se déplacer sur plusieurs niveaux, gratter le sol, prendre des bains de poussière, voler, manger, boire et pondre leurs œufs dans des nids de ponte protégés.
Le nombre maximum de poules au mètre carré varie entre 5 (bio) et 10 (ponte au sol et plein air). Dans les élevages de plein air, les poules disposent, l’après-midi, d’un herbage de 2,5 m2 chacune et d’un jardin d’hiver pour les jours de mauvais temps. Les exploitations «bio» sont dotées d’un jardin d’hiver ouvert toute la journée et d’un herbage de 5 m2 par tête, pour l’après-midi.
En Europe, les élevages en batterie sont interdits depuis 2012 seulement et ont cédé la place à des cages aménagées, compromis entre la rentabilité économique et la survie des pondeuses. Ici, un mètre carré de litière peut accueillir jusqu’à 16 poules et elles ne disposent que de 45 cm de haut pour s’ébattre, sans accès extérieur.
A noter que, sur les produits finis, tels que biscuits et plats préparés qui contiennent des œufs ou de la poudre d’œufs en petite quantité, l’indication de la provenance et du type de production ne sont pas obligatoires. Et cela, même si les œufs sont issus de cages aménagées pourtant interdites en Suisse. C’est sur ces articles que nous avons concentré nos recherches.