Son opulence s’acoquine à merveille avec un festin de saison, la chasse. Avec sa robe dense et violacée, la syrah ne fait pas de l’esbroufe. C’est un cépage exubérant avec une palette d’arômes qui passe par le poivre, la réglisse, la violette, la mûre et la framboise, entre autres.
Elle a d’ailleurs fait la renommée de grandes appellations, notamment dans les Côtes-du-Rhône septentrionales. On pense, en premier lieu, aux Côte-Rôtie et Cornas. Mais c’est un cépage qui donne de très grands crus en Suisse aussi. C’est d’ailleurs une syrah valaisanne, la Terra Solis 2012, du Domaine des Moines, qui s’est imposée au concours international Syrah du monde 2016 devant 373 vins issus de 23 pays!
Ce n’est donc pas une surprise si les treize vins dégustés à l’aveugle par notre jury ont laissé une bonne impression générale. Achetés dans les supermarchés – entre 9 fr. et 25 fr. l’unité –, douze portaient l’appellation d’origine contrôlée (AOC) Valais. La dernière, une syrah vaudoise (AOC La Côte) paraissait bien seule face à ses concurrentes du Vieux-Pays. Mais, cette solitude ne l’a pas empêché de se hisser sur le podium.
Tunnel aux deux extrémités…
Si tous les flacons n’ont pas procuré la même ivresse des sens, trois ont conquis notre jury avec des notes supérieures à 15 points. En tête du classement, une bouteille qui ne paie pas de mine pour un prix de 13.20 fr. chez Aligro, «On retrouve bien le côté sauvage et épicé de la syrah, souligne Claire Mallet. C’est un vin opulent et gourmand.» Avis partagé par l’ensemble du jury.
Comme l’attestent son prix et son étiquette très «cheap», cette syrah est une entrée de gamme. Ce n’est pas le cas de sa grande sœur, élevée en barrique, également produite par la Cave du Tunnel: vendue 22.90 fr. chez Manor, elle se positionne clairement plus haut. Et pourtant, elle occupe l’autre bout peu enviable du classement! Hormis une belle concentration, le jury a pointé du doigt sa lourdeur et ses arômes masqués par un boisé excessif. «C’est dommage, on ne retrouve plus l’identité du cépage», relève Thibaut Panas.
Une vaudoise en trouble-fête
Très différente de la gagnante, la syrah Grand Cru du Domaine de la Croix, à Bursins (VD), s’est adjugée la 2e place. Plus droite, plus fraîche et aux tanins plus marqués que ses concurrentes valaisannes, elle est aussi sensiblement moins gourmande. «C’est une syrah très structurée, bien équilibrée, qui plaira davantage aux puristes», note René Roger. Celle de la Cave
St-Georges, classée 3e, ne fait pas non plus dans l’opulence. Elle a surtout séduit par sa tonicité, sa minéralité et sa structure franche.
L’attente que l’on a de tels vins peut précisément être différente. On peut les préférer ronds et charnus ou, au contraire, plutôt racés et tendus. Préférence qui s’est parfois ressentie dans la notation du jury, particulièrement avec la syrah de Frédéric Zufferey: deux dégustateurs lui ont reproché son manque de relief, deux autres ont apprécié sa générosité.
Yves-Noël Grin
Eclairage
2014, dans l’ombre de 2015
Enorme. Exceptionnel. On le répète à l’envi, le millésime 2015 a été béni des dieux pour les crus suisses et bien d’autres (Bordeaux, etc.). On lui passe tous les superlatifs, même si certains vins – blancs surtout – ont une telle richesse qu’on en vient à regretter parfois leur manque de vivacité.
On oublierait presque que 2014 n’a rien d’une petite année pour les vins helvétiques. Il est vrai que l’été a été foncièrement pourri, les vacanciers s’en rappellent encore. En revanche, le printemps et l’automne ont été exceptionnellement chauds et secs. Au final, 2014 est globalement un très bon millésime, globalement supérieur à celui de 2013, surtout en Valais. Seul point noir marquant en 2014: la prolifération importante de la drosophile du cerisier (Drosophila suzukii) qui a fait d’énormes dégâts un peu partout. Repéré pour la première fois en Suisse durant l’été 2011, cet insecte venu d’Asie ne s’attaque pas uniquement à la vigne, mais à de nombreuses variétés de baies et de fruits à noyau, juste avant leur maturité. Un véritable fléau.