Une cave, une vraie!
Dans un fantasme absolu, l’œnophile rêve d’une cave à vins qu’il conçoit de A à Z. Enterrée, sa température ne varie guère entre 12°C et 14°C pour éviter les chocs thermiques qui tuent les vins de garde aussi sec. Le sol se compose de terre battue que les spécialistes conseillent d’arroser pour entretenir une certaine humidité. Mais pas trop. Un récipient de chaux vive – voire une cuvette avec du charbon de bois – équilibre une hygrométrie que l’on souhaite entre 65% et 75%. Trop haut – dès 80% – cela vous décolle les étiquettes. Pour l’éviter, on peut enrouler un film alimentaire autour des bouteilles jusqu’au col, qu’il faut impérativement laisser libre. En dessous de 50%, les bouchons s’assèchent avec les dégâts que l’on imagine.
C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il faut stocker les bouteilles horizontalement: le vin reste en contact avec le liège. Seuls les porto, madère, xérès, voire le champagne adoptent la verticalité. Et pour éviter de réveiller les bactéries qui sommeillent dans les nectars, on bannira tout appareil qui vibre à proximité, style congélateur, machine à laver ou séchoir. Sous les casiers de rangement, des patins de caoutchouc ou en liège permettent de bien caler le tout.
Bidons d’essence, produits de nettoyage, pots de peinture ou décapants doivent, eux aussi, être éloignés des goulots. Conseil qui vaut pour les fromages, les fruits et les légumes aussi. Les bouchons, ces grands sensibles, absorbent leurs odeurs. Les murs, si possible en pierre sèche, peuvent être recouverts de chaux. Une opération à renouveler chaque année pour éloigner les insectes.
Il reste la question de l’éclairage. Le vin se repose, comme nous, dans l’obscurité. Les ampoules qui illuminent les lieux, lors de vos visites intéressées, doivent être de faible intensité. Les LED sont appréciés, les néons à proscrire. Les millésimes ne supportent pas les UV, ils peuvent prendre un goût de lumière qui «dévie leurs arômes».
Et le rangement dans tout ça? Chacun organise sa cave en fonction de sa logique. Celle des connaisseurs veut que les vins rouges à consommer rapidement se posent en haut avec les rosés qui se boivent dans l’année. Le bas est réservé aux vins blancs. Entre deux, les réels vins de garde. A savoir ceux que l’on prévoit de boire sur dix ans.
Un cellier d’appartement
En l’absence d’une cave digne de ce nom, on peut opter pour une armoire à vin. Mais attention, celle-ci doit répondre à des critères bien précis. Des modèles bas de gamme ressemblent à des frigos déguisés. Les appareils plus sérieux se composent d’une porte pleine ou alors de vitres fumées anti-UV. Ils comportent deux orifices, dont celui du haut avec un filtre à charbon. Cela éradique les senteurs indésirables comme la moisissure.
Mieux vaut une structure renforcée – selon le nombre de bouteilles, une armoire pèsera dans les 350 kg – avec des parois en inox. On s’assurera qu’elle est dotée d’un système de récupération des condensats et que le compresseur ne secoue pas trop. Une lumière froide permet de lire les étiquettes sans dégagement de chaleur. Combien mettre sur la table, quel budget pour cette armoire? Entre 1 à 5% du montant global des vins qu’on souhaite garder.
Un placard bien choisi
Pas de cave, pas de finances pour une armoire? Il reste le placard, si possible contre un mur orienté au nord. On peut y entreposer des bouteilles dans les cartons d’origine que l’on protégera avec une couverture. Au pied de cette pile, une cuvette dont on renouvellera souvent l’eau. Si le radiateur de cette pièce est plus enclenché sur «off» que «on», c’est un avantage. Sinon mieux vaut que la température reste toujours stable, même à 19°C. On y glissera des vins à déguster dans les deux ans.
Casier à louer
Les caves à vin urbaines permettent de louer des casiers dans des endroits sécurisés. Depuis une bonne décennie, il s’agit d’un must qui donne accès à ses nectars, à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit. Certains lieux offrent des espaces de dégustation avec des amis. D’autres stockent les magnums dans des safes et les livrent, sur demande, aux clients.
La palette des offres sur l’Arc lémanique va de 10 fr. à 30 fr. par mois pour des casiers allant de 24 à 300 bouteilles. Il y a le tout haut de gamme à 10000 fr. par an avec un choix de 1800 bouteilles. Une fouille sur Google donne un ordre d’idées.
Et si aucune de ces solutions ne vous convient? L’ultime et minimaliste option reste un caviste, chez qui on achète au coup par coup.
Joël Cerutti