Les lèvres deviennent brillantes et douces grâce aux graisses et à la cire qu’on trouve dans les rouges à lèvres. Malheureusement, une partie est ingérée, à tel point que le comité scientifique pour la sécurité des consommateurs de l’Union européenne estime qu’une femme en avale jusqu’à 57 mg par jour lorsqu’elle en applique. Soit environ 20 g par année – ou cinq bâtons – en cas d’utilisation quotidienne!
Nous avons, dès lors, voulu savoir quelles sont exactement les substances qu’on absorbe, en chargeant un laboratoire de détecter celles qui sont problématiques pour le corps: graisses artificielles – paraffine et silicone –, parfums allergènes, conservateurs et phtalates (lire encadré «Les critères du test»).
Deux produits se détachent du lot et obtiennent l’appréciation «très bon» (voir tableau). Vainqueur, le Beautiful Lips Colour Intense ne contient en tout et pour tout qu’un parfum faiblement allergène, ce qui lui vaut une note de 5,9. A 3 fr. le gramme, cet article du fabricant de cosmétiques naturels Lavera se situe au beau milieu du classement en matière de prix. Pour trois fois moins cher, on trouve, à la deuxième place, le rouge à lèvres Cien, marque maison de Lidl. Il ne contient que de très faibles quantités d’huiles minérales et pas d’autres substances indésirables.
Dépôts dans le foie
La plupart des fabricants utilisent de la paraffine ou de la graisse de silicone, car ces substances protègent la peau et font briller les lèvres en formant sur elles une mince pellicule hydrophile. Par rapport aux cires naturelles, elles coûtent moins cher et ne provoquent pas d’allergies, mais peuvent dessécher les lèvres. Des études suggèrent aussi que, une fois ingérées, elles peuvent former des dépôts dans le foie et la rate, raison pour laquelle les producteurs de denrées alimentaires essaient de limiter leur utilisation.
Ces huiles ou graisses minérales sont particulièrement problématiques lorsqu’elles renferment des hydrocarbures aromatiques (MOAH), contaminants considérés comme des mutagènes et cancérigènes potentiels. L’Autorité européenne de sécurité des aliments considère d’ailleurs l’ingestion de MOAH comme potentiellement préoccupante. Nous avons, pour cette raison, choisi de sanctionner leur présence par une déduction de 0.5 point sur la note.
Six produits seulement échappent à cette déduction, dont le Longlasting Lipstick d’Essence, le moins cher de notre panel. Comme il contient également peu de graisses minérales, il décroche la mention «bon». A l’inverse, les deux qui en contiennent le plus – près de 20% de leur masse totale – sont le MegaLast Lip Color de Wet n Wild et le Colour Crush de Body Shop. Comme le laboratoire y a aussi détecté des MOAH, ils terminent dans le fond du classement et écopent d’une note insuffisante.
Chers et mal classés
Le Colour Crush et le Color Riche Collection Exclusive de L’Oréal sont les deux seuls rouges à lèvres qui contiennnt un allergène catégorisé comme fort, l’hydroxycitronellal, susceptible de provoquer des irritations et des éruptions cutanées. A 7 fr. et 5.50 fr. le gramme, il s’agit aussi des deuxième et troisième articles les plus chers de notre test.
Le second nommé, le Color Riche Collection Exclusive, occupe d’ailleurs la dernière place, parce qu’il contient, en plus, des hydrocarbures saturés (MOSH) sous forme liquide. Or, l’association Cosmetics Europe recommande aux fabricants d’y renoncer. Selon L’Oréal, pourtant, «la teneur en huiles minérales est sans danger pour le consommateur», et son rouge à lèvres ne présenterait pas de risque pour la santé. Body Shop indique que le sien est «clairement sous la limite légale pour ces composants». Max Factor, de son côté, estime que la quantité de graisse minérale ingérée est très faible, même dans le pire des cas.
On termine tout de même sur une note positive: le laboratoire n’a détecté ni parabènes ni phtalates, soupçonnés d’être des perturbateurs endocriniens et de favoriser les tumeurs.
Jonas Arnold / vic
En détail
Les critères du test
Les substances suivantes ont été traquées dans quatorze rouges à lèvres par les experts de l’Institut Fresenius à Taunusstein (D).
1 et 2: Paraffine et silicone
Ces deux graisses minérales, couramment utilisées dans les cosmétiques, sont considérées comme sensibles, car on les soupçonne de s’accumuler dans le corps.
3. Substances indésirables
⇨ MOAH et MOSH: les experts recommandent d’éviter autant que possible les hydrocarbures aromatiques, car ils les considèrent comme potentiellement cancérigènes. Même chose pour les hydrocarbures saturés, réputés sensibles sous forme liquide.
⇨ Parfums: certains peuvent être allergènes. On distingue habituellement ceux qui le sont fortement (catégories A et B) de ceux qui le sont faiblement (catégories C et D). S’ils sont présents à une concentration supérieure à 10 mg/kg, ils doivent être déclarés sur l’emballage.