La menace revient régulièrement, sans jamais se concrétiser: les taux hypothécaires – au plus bas depuis 2012 – devraient prochainement remonter. Elle est généralement brandie par ceux qui ont intérêt à ce que la rumeur coure: les comparateurs en ligne pour appâter les clients ou les banques pour les détourner des hypothèques Libor et les enfermer dans des emprunts à long terme (lire encadré).
Tel a encore été le cas il y a un mois à peine. La très légère hausse des taux fixes de moyenne et de longue durées lors du dernier trimestre 2016 (+ 0,06% pour les emprunts de 5 ans) devait être considérée comme le début d’une nouvelle ère plus dure pour les propriétaires. D’où la nécessité impérative de passer chez son banquier pour anticiper les problèmes. Sauf que, une fois encore, le soufflé s’est dégonflé, puisque, au début de mars, les taux de 5 ans étaient stabilisés à une moyenne de 1,13%, soit le «pic» atteint à la fin de 2016 et moins que l’an dernier à la même époque!*
Pas de plan crédible
Soyons clairs: personne, aujourd’hui, ne peut faire de plans crédibles sur la planète économique, ni même dans celle, plus réduite, de la Suisse. Le graphique ci-contre le démontre crûment. La ligne bleue suit l’évolution des taux fixes de durée moyenne (5 ans) de ces 12 dernières années, tandis que la ligne rouge reproduit les prévisions des spécialistes pour ces mêmes taux dans les 12 mois à venir. Exemple de lecture: en mai 2011, les banques questionnées (UBS, CS, BCZ, Julius Bär et Unicredit) prévoyaient qu’une hypothèque fixe de durée moyenne (5 ans) coûterait environ 3,5% un an plus tard. Or, en mai 2012, le coût effectif d’une hypothèque sur le marché monétaire était de 1,5% .
Histoire d'inflation
Mais soyons honnêtes aussi: il est vraisemblable (et même à espérer pour le bien de l’économie) que, un jour, les lanceurs d’alerte aient raison. Est-ce pour bientôt? Oui, laissent entendre certains, notamment à cause du timide retour à une inflation positive. Mais, parallèlement, l’euro faiblit, ce qui ne va pas pousser la Banque nationale suisse (BNS) a abandonner ses taux d’intérêts négatifs. D’autant que l’incertitude règne en France voisine avec le spectre de l’élection présidentielle en mai 2017. Et l’expérience américaine nous montre que, une fois en place, le nouveau candidat ne rassure pas nécessairement les marchés! Du coup, la carte du Libor, au moins pour une partie de l’emprunt, reste d’actualité (lire encadré).
* Tous les jours ouvrables, Bon à Savoir relève et publie les taux de 20 prestataires suisses romands (banques et assurances). Infos sur bonasavoir.ch ⇨ Outils & calculateurs ⇨ Taux hypothécaires du jour.
Christian Chevrolet
Lire bonus web: Le Libor toujours gagnant depuis 1990
Zoom
Le choix du Libor
A gauche, les hypothèques Libor, qui, comme leur nom l’indique, suivent les taux du marché interbancaire. Les intérêts changent donc tous les trois ou six mois, à la hausse comme à la baisse. Si ces produits sont avantageux lors que les taux sont bas, ils renchérissent forcément lorsque ceux-ci sont hauts.
A droite, les taux fixes, bloqués pour une période allant de 1 à 10 ans, parfois même 15 ou 20 ans. Plus la durée est longue, plus ces hypothèques sont chères. En revanche, l’intérêt ne bouge pas durant toute la période du contrat, quelle que soit l’évolution du marché.
Roland Bron, directeur romand de la société de conseils VZ, a comparé un emprunt de 500 000 fr. sur des tranches de dix ans (entre 1990 et 2000, 1991 et 2001, etc. jusqu’à 2006 et 2016)*. Le résultat est clair: le propriétaire a toujours été gagnant s’il a opté pour des hypothèques Libor. Dans le meilleur des cas (entre 1995 et 2005), il a économisé 145 000 fr. par rapport aux hypothèques à taux fixes, et quand même 48 000 fr. dans la moins bonne période (entre 1998 et 2008)!
Dès lors, le spécialiste recommande d’aller à l’encontre des banquiers, qui préfèrent souvent signer à long terme avec leurs clients. Il suggère de profiter des hypothèques Libor très avantageuses, tout en restant attentifs à l’évolution du marché. Si les taux repartent réellement et durablement à la hausse, il y a, en effet, peu de risques qu’ils le fassent brusquement. Il sera alors temps de transformer ses hypothèques Libor (ce qui est possible tous les trois ou six mois) en emprunt à durée déterminée. Certes, les taux seront un peu plus hauts qu’aujourd’hui, mais le bénéfice fait au préalable couvrira largement cette différence.