1. Les cépages
Il y a des cépages plus aptes à produire des vins de grande garde que d’autres. On pense aux raisins particulièrement tanniques comme le cabernet sauvignon, le tannat, le malbec ou la syrah. Si les tanins favorisent une bonne tenue dans le temps, ils ne sont de loin pas les seuls garants de la longue garde d’un vin. Un bon niveau d’acidité joue aussi un rôle important, tout comme le terroir et les méthodes de vinification. C’est pour cette raison que des cépages peu tanniques comme le pinot noir peuvent donner des vins au potentiel de garde intéressant. Et comme le pinot noir reste le cépage le plus planté en Suisse…
2. Le lieu d’achat
Acheter des vins dans les supermarchés ne pose pas de problèmes s’il s’agit de bouteilles modestes pour trinquer rapidement. C’est une autre chanson pour les crus plus prestigieux: les mauvaises conditions de stockage (température, taux d’humidité, etc.) ont un impact négatif sur leur vieillissement. Sans compter l’absence de conseils personnalisés pour celles et ceux qui en ressentent le besoin. A ce titre, rien ne vaut les recommandations d’un caviste éclairé ou, mieux encore, un contact direct avec le vigneron. Ce dernier sera le mieux placé pour évoquer le potentiel de garde de ses crus, en fonction du terroir, du millésime, de l’âge des vignes et du mode de vinification, notamment.
3. La région de production
Les rouges de garde se concentrent essentiellement en Europe. Les plus connus sont produits en France (Côtes-du-Rhône, Bordeaux, Bourgogne, etc.), en Italie (Barolo, Barbaresco, Brunello, etc.) et, en Espagne, (Rioja, Priorat, Ribera del Duero, etc.). En Suisse, il est difficile de dénicher des crus de longue garde, hormis quelques merlots tessinois. On trouve aussi des cornalins, des humagnes ainsi que des pinots noirs – aussi bien alémaniques que romands – qui supportent bien le vieillissement. Mais gare à ne pas tirer de conclusions hâtives: ce n’est pas parce qu’une étiquette fait scintiller «Barolo» ou «Saint-Emilion Grand Cru» que le vin va tenir les années.
4. Le millésime
Les caractéristiques d’un millésime ont une influence directe sur le potentiel de vieillissement d’un vin. C’est donc une information précieuse à l’achat de nectars que l’on désire oublier en cave. Mais, comme chaque région à des conditions climatiques qui lui sont propres, une excellente année pour une appellation ne le sera pas nécessairement pour une autre. C’est ainsi, par exemple, que 2000 est un millésime splendide dans le bordelais et plutôt médiocre en Bourgogne.
A ce titre, les tableaux des millésimes peuvent donner une indication générale lorsqu’ils émanent de dégustateurs indépendants et non d’enseignes commerciales. Mais, là encore, mieux vaut suivre les conseils d’un bon caviste ou du vigneron pour avoir les détails d’un millésime et de son potentiel de garde. On peut aussi méditer cette phrase du Tessinois Paolo Basso, meilleur sommelier du monde en 2013: «Le vin est fait pour être bu, pas pour le fétichisme d’un millésime.»
5. Le moment de déguster
En France, 60% des bouteilles achetées sont bues dans les 24 heures. La Suisse tempère cette statistique: 80% dans les trois jours. Les viticulteurs se sont adaptés à cette impatience. Leurs crus sont de moins en moins destinés à être vraiment de garde. Ils sont souvent conçus pour être bus dans les deux ou trois ans. Le pinacle, c’est de déboucher un nectar à son apogée. Comment le savoir? C’est là que ça se complique entre les vins de moyenne (5 à 10 ans), longue (10 à 20 ans) et très longue (plus de 20 ans) garde. Le mieux, c’est de les goûter à intervalles réguliers pour suivre leur évolution: tous les deux à trois ans pour les crus appelés à vieillir. Et ne pas hésiter à les boire quand le plaisir est au rendez-vous, sous peine d’être surpris par son déclin quelques années plus tard. Ne jamais oublier non plus qu’un vin ne se bonifie pas avec les années. Il évolue. Une piquette restera une piquette, au fil du temps.
Joël Cerutti / yng