Signer un contrat d’assurance maladie dans une langue qu’on ne parle pas ou pas bien est pour le moins périlleux. Les mésaventures de Pedro Roncal sont là pour le rappeler. Cet ouvrier de langue maternelle espagnole, qui habite à Genève, souhaitait changer de caisse dans le but de baisser ses primes. Comme il maîtrise mal le français, le courtier de Supra, d’origine portugaise, a mené l’entretien en portugais et en espagnol. Les documents signés étaient en français (lire encadré).
Conflit sur les complémentaires
Les deux hommes se sont-ils mal compris? Difficile d’en avoir le cœur net. Toujours est-il que Pedro Roncal affirme avoir simplement demandé un contrat pour la base, et qu’il se retrouve, en sus, avec plusieurs complémentaires. Et ce dernier, soutenu par le syndicat Adetra, prétend même que le courtier aurait modifié le PV d’entretien, qui a valeur de contrat, pour y ajouter des complémentaires. Des allégations catégoriquement réfutées par Supra. Selon elle, le client souhaitait une nouvelle couverture identique à celle de son ancien assureur, mais moins chère, y compris pour les complémentaires. Une mission que le courtier aurait menée à bien avec une prime de 354 fr. contre 371 fr. auparavant. A des fins de clarté, l’agent a traduit en espagnol et a formulé par écrit certains points importants sur le PV d’entretien, souligne encore l'assureur.
Responsable de sa signature
Pour Pedro Roncal, tout le problème consiste à démontrer le bienfondé de ses accusations. En effet, pour casser un contrat d’assurance, il faut être en mesure de prouver qu’on a été, par exemple, induit en erreur par le courtier, ce qui est très compliqué si l’on ne dispose pas de témoin ou d’un enregistrement. Evoquer une mauvaise compréhension due à la barrière de la langue n’est pas un motif suffisant non plus (lire encadré). En fait, une personne qui a la capacité de discernement est responsable de sa signature, quelle que soit la langue du document soumis. C’est à elle de faire en sorte que tout soit clair avant d’apposer sa griffe.
Nos conseils pour l’entretien
Si les torts respectifs demeurent obscurs dans le cas précis, force est de constater que Bon à Savoir reçoit régulièrement des plaintes de lecteurs concernant l’attitude de certains courtiers.
Dès lors, il est fondamental de respecter quelques principes pour que l’entretien se déroule au mieux, qui plus est lorsque le client maîtrise mal le français.
⇨ Dans la mesure du possible, demander à un parent ou à un ami maîtrisant à la fois le français et la langue étrangère d’assister à l’entretien et de traduire ce qui est nécessaire.
⇨ Au besoin, demander à l’agent de pouvoir enregistrer l’entretien, bien qu’il ne soit pas tenu d’accepter.
⇨ Résister à la pression et ne jamais signer immédiatement. Prendre quelques jours pour réfléchir à l’offre et lire, ou faire lire, les clauses contractuelles.
⇨ Être attentif aux documents qui sont des contrats sans en avoir l’air! Une «proposition d’assurance» est, en fait, une demande formelle du client à l'endroit de l’assureur (art. 1 LCA). De même, chez Supra, par exemple, la signature du procès-verbal d’entretien correspond à un engagement ferme de l’assuré.
⇨ Un contrat pour les complémentaires dure souvent plusieurs années. Vérifier son échéance avant d’en signer un nouveau auprès d’un autre assureur.
⇨ En cas de conclusion de l’assurance à la fin de l’entretien, exiger immédiatement une copie des documents signés.
Sébastien Sautebin
Dans la pratique
Autres langues, on bricole
Les contrats et les conditions générales des assureurs maladie sont généralement disponibles en allemand, en français, en italien et, parfois aussi, en anglais. «Un élargissement des systèmes informatiques à d’autres langues impliquerait un investissement élevé, qui devrait être répercuté sur les frais administratifs et les primes», précise David Müller, porte-parole de Visana. Du coup, lorsque le client ne comprend que peu ou prou une langue nationale, les assureurs bricolent, et comptent sur les compétences linguistiques de leurs collaborateurs. «Notre Service clientèle est en mesure de renseigner les clients oralement dans d’autres langues comme l’espagnol, le portugais, l’albanais ou encore le serbe, le croate ou le turc», affirme, par exemple, Helsana. Une méthode qui fonctionnerait bien, aux dires de cette compagnie, mais qui a aussi d’évidentes limites.