William Shakespeare raffolerait sans doute de notre époque. Du moins, l’auteur de Hamlet aurait, ces temps-ci, une belle occasion de transformer son célèbre «il y a quelque chose de pourri au royaume du Danemark», en quelque chose comme «il y a quelque chose de pourri au royaume de l’EFSA».
Pour mémoire, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), a la noble mission de «protéger les consommateurs, les animaux et l’environnement des risques associés à l’alimentation». Mais sa fiabilité et son indépendance suscitent désormais de sérieux doutes. En cause, l’avis émis sur l’herbicide glyphosate, le plus utilisé de par le monde, estimant «improbable qu’il soit génétoxique ou constitue une menace cancérogène pour l’homme».
Cette substance, dont l’autorisation doit être renouvelée en Europe, fait actuellement l’objet d’un vif débat quant à sa toxicité. D’un côté l’EFSA, de l’autre, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) de l’OMS, qui le juge «probablement cancérogène pour l’homme».
Or, de récentes investigations viennent de révéler qu’une partie cruciale du rapport de l’EFSA est en réalité un vulgaire copier-coller, sans mention de la source, de passages entiers d’un document de… Monsanto! En matière d’objectivité, il était difficile de faire pire. La multinationale agrochimique, dont le produit phare est le RoundUp, à base de glyphosate, n’a pas hésité à rémunérer des scientifiques pour qu’ils signent de pseudo-études sur l’innocuité de la substance, comme l’a révélé le scandale des «Monsanto Papers».
La démarche de l’EFSA est stupéfiante, mais ce n’est pas tout. Des experts de l’industrie ont eu un accès privilégié au rapport de l’agence peu avant sa publication et ont pu y apporter des modifications, alors que la lecture a été refusée aux ONG! Quelque chose de pourri, disions-nous? Près de la moitié des experts de l’EFSA auraient, en fait, un conflit d’intérêt avec les secteurs industriels régulés par l’agence, affirme le groupe de réflexion Corporate Europe Observatory…
Nos autorités feraient bien d’y songer. La Suisse fonde en effet largement sa position sur celle de l’Agence européenne pour refuser d’interdire le glyphosate.
Sébastien Sautebin