On le voit année après année, les coûts de la santé progressent de manière exponentielle avec un impact non négligeable sur les primes d’assurance maladie, et donc sur le portemonnaie des consommateurs. En 1996, lors de l’introduction de la loi sur l’assurance maladie (LAMal), la prime moyenne annuelle pour un adulte s’élevait à 2077.20 fr., en 2015, elle atteignait 4941.60 fr., soit plus du double, selon les chiffres de l’Office fédéral de la santé publique! Dans le même temps, la participation annuelle moyenne de l’assuré (franchise et quote-part) est passée de 232.10 fr.par an à 501.70 fr. Quant aux coûts de la santé, ils ont explosé de 37,5 milliards à 77,8 milliards de francs.
Chacun le reconnaît, politiciens inclus: le système actuel a atteint ses limites et doit être repensé. Le réformer dans sa globalité est un idéal aujourd’hui inatteignable, tant les divergences entre les acteurs de la santé sont grandes. L’immobilisme étant pire encore, il convient d’agir par secteurs et à petits pas.
Double problème
La question des réserves accumulées par les caisses maladie (lire «Réserves astronomiques des assureurs») préoccupe la rédaction de Bon à Savoir depuis de longs mois pour deux raisons principales.
1) Les réserves légales exigées afin de couvrir les risques (soit la différence entre les primes perçues et les prestations payées) sont largement excédentaires. Ainsi, en 2016, le surplus cumulé dépassait les 2 milliards de francs, alors qu’un système de compensation des risques prévoit une solidarité entre les caisses si l’une d’elles devait faire face à une explosion de cas lourds!
2) Les réserves ne suivent pas les assurés lors d’un changement de caisse, ce qui contraint la nouvelle à compenser les risques en augmentant son niveau de réserves, alors que la caisse délaissée se retrouvera avec un excédent…
Soutien de « Bon à Savoir »
La réforme du système doit intégrer ces problèmes. Après diverses actions, dont une démarche participative initiée par Bon à Savoir en automne 2016, demandant aux assureurs de ristourner aux assurés les réserves perçues en trop, une solution politique mérite donc d’être soutenue. Lancée par une vaste coalition d’acteurs et de partis, l’initiative fédérale dite «Pour une liberté d’organisation des cantons» présente de nombreux avantages (lire encadré). C’est pourquoi Bon à Savoir la soutient et invite ses lecteurs à télécharger et à signer le texte.
Dans les grandes lignes, il s’agit d’inscrire dans la Constitution que chaque canton est libre de créer ou non une institution cantonale d’assurance maladie. Ceux qui opteraient pour ce système se verraient proposer, par l’institution, une seule et même prime valable pour tous les assurés de la région selon le modèle d’assurance et de franchise qu’ils choisissent. Les réserves de tous les assureurs seraient ainsi mutualisées, limitant la hausse des primes et mettant un terme à la chasse aux bons risques.
Experts favorables
Après les échecs devant le peuple de la caisse unique (2007), puis celle publique (2014), cette nouvelle tentative, plus souple, bénéficie du soutien de nombreux experts. En 2009 déjà, le Groupe actuariel de réflexion sur l’assurance maladie (GAAM) proposait de réformer le système en centralisant la fixation des primes et des réserves au niveau cantonal sous la houlette de l’Etat, quitte à laisser les caisses existantes se charger de l’exécution pratique. Plus récemment, en mars 2017, Heinz Locher, économiste de la santé et ancien membre de la direction de la Santé publique du canton de Berne, indiquait dans un entretien que cette initiative est «une bonne piste, parce qu’elle donne plus de liberté aux acteurs qui financent les conséquences de leurs décisions». Il ajoutait être favorable à l’idée de tester dans les cantons des projets pilotes, puis d’adapter les nouvelles solutions aux spécificités de chaque canton.
Zeynep Ersan Berdoz
L'initiative en bref
Le texte de l’initiative offre la liberté aux cantons de créer une institution cantonale d’assurance maladie en la dotant des tâches suivantes.
⇨ Fixer le montant des primes: une prime par canton selon le modèle d’assurance et la franchise choisis par l’assuré.
⇨ Fixer le montant des réserves: cette mutualisation des risques par canton réglera la question des réserves excédentaires des caisses.
⇨ Les assureurs ne sont pas exclus: ils continueront à accomplir le travail administratif (perception des primes et contrôle des factures) comme aujourd’hui. Ils seront indemnisés pour cela.
Tous les assurés étant réunis dans un pool cantonal, même s’ils restent affiliés à différents assureurs, la nécessité de compenser les risques sera caduque. La caisse de compensation paiera les montants des frais générés par les assurés, qu’ils soient des cas dits «lourds» ou non. Il s’agit d’une compensation des coûts et non plus des risques. Par ailleurs, ce système non concurrentiel permettra d’investir une partie des primes dans des mesures de promotion de la santé et de prévention et non plus dans le démarchage téléphonique et autres. Quant au coût de l’institution cantonale, il sera minime, puisque les tâches resteront déléguées aux caisses maladie qui disposent déjà des structures nécessaires.