Chaque année, à pareille époque, c’est un peu la soupe à la grimace. Les caisses de pension envoient leur décompte et les assurés découvrent que – une fois encore – le taux de conversion «enveloppant» a diminué. Du coup, la prévision de la rente est, elle aussi, à la baisse, parfois drastiquement. L’idée d’y renoncer et de plutôt retirer son capital en tente alors plus d’un. Mais cela implique de devoir s’en occuper et, en tout premier lieu, de trouver où le placer, les solutions rémunératrices et sans risque étant plutôt rares de nos jours!
C’est là que le nouveau modèle suggéré par la société Willis Towers Watson, l’un des plus importants cabinets de conseil du monde, prend tout son sens. Il consiste à dissocier les parts obligatoire et surobligatoire du 2e pilier. La première permettra de verser une rente à vie, servie aux conditions légales prévue par la LPP. Avec celle de l’AVS, le minimum est ainsi assuré.
Décision à 65 ans
En revanche, le pensionné décidera à ses 65 ans la durée de la rente qu’il va recevoir grâce à la part surobligatoire. Pour rappel, cette part est constituée des «surplus», bien plus fréquents qu’on le croit*, comme des cotisations débutant avant 25 ans, des bonifications et un salaire assuré plus importants que ceux prévus par la LPP, etc. Plus la durée choisie est longue (15, 20 ou 25 ans), plus la rente sera faible.
Les actuaires laissent ainsi le choix à l’assuré de jouer la prudence à long terme ou de privilégier les premières années de sa retraite, en disposant de davantage de fonds à cet effet, mais en devant se restreindre dans les dernières années de sa vie. Autre atout du système qui n’est, pour l’instant, qu’à l’état de projet: en cas de décès durant la période retenue, les héritiers toucheront le solde du capital.
Exemple concret
Pour illustrer concrètement la chose, reprenons un exemple simplifié publié sur le site de la caisse de pension de La Poste. Il compare les prestations d’un employé ayant commencé de travailler à 20 ans, avec un salaire moyen de 80 000 fr.
⇨ Si l’on s’en tient aux minimaux fixés par la LPP pour la partie obligatoire, il obtiendrait, à 65 ans, un capital de 286 582 fr. Avec un taux de conversion de 6,8%, la rente annuelle serait donc de 19 487 fr., soit 1624 fr. par mois.
⇨ Mais, comme La Poste offre des conditions d’assurance nettement plus avantageuses, il disposera d’un capital de 517 538 fr. En revanche, la caisse a réduit le taux de conversion à 5,1% (état en 2018), ce qui donne, au final, une rente annuelle de 26 394 fr., soit 2200 fr. par mois.
Budget plus serré à 80 ans
Le capital de la part surobligatoire est donc de 517 538 – 286 582 = 230 956 fr.
Si La Poste adoptait le système de rente à durée déterminée pour cette partie, et que son employé souhaite en profiter durant 15 ans, il toucherait 1283 fr. par mois (voir tableau), à laquelle s’ajouterait celle de la part obligatoire (1624 fr.). Total: 2900 fr., donc 700 fr. de plus qu’au régime actuel. Plus, évidemment, la rente AVS.
⇨ A 80 ans, il recevrait, pour solde de compte, les intérêts cumulés du capital consommé durant les 15 ans. Cela correspond un peu aux excédents d’une assurance vie mixte, dont on sait qu’ils sont souvent réduits à peau de chagrin. Avec un rendement moyen de 1,5%, ils correspondraient, pourtant, à environ 26 500 fr.
⇨ Mais pour la suite, l’octogénaire va devoir se contenter de la rente AVS (2350 fr. au plus) et LPP (1624 fr.), donc de 4000 fr. par mois environ.
⇨ En revanche, s’il décède prématurément, ses héritiers toucheront le solde du capital et ses intérêts. A ses 70 ans, cela correspondrait à 156 446 fr. Et à ses 75 ans, à 78 288 fr.
* Lire notre article «Pas que pour les riches, le surobligatoire» (11/2017).
Christian Chevrolet