La déduction des frais de déplacement entre domicile et lieu de travail fait partie de la catégorie des frais généraux. Jusqu’à la déclaration fiscale 2015 comprise, ils étaient déductibles dans leur intégralité, sauf s’ils étaient déjà défrayés par l’employeur. Depuis, tel n’est plus le cas pour l’impôt fédéral direct que prélève la Confédération (IFD). Quel que soit le mode de transport choisi, le plafond est désormais à 3000 fr. par an. Soit moins que le prix d’un abonnement général CFF; moins aussi que le coût d’un trajet de 10 km parcouru deux fois par jour en voiture pendant 220 jours par an, sur la base du forfait de 70 ct./km retenu.
Pour la part cantonale des impôts, en revanche, on avance en ordre dispersé, avec des pratiques très différentes d’une région à l’autre. Quinze cantons se sont alignés sur le plafond de 3000 fr. de la Confédération, dont ceux de Zurich et de Bâle-Ville. Les Romands, eux, font bande à part: pas de limite pour le moment, sauf Berne qui reste toutefois assez large (6700 fr.) et Genève qui ne fait pas de cadeau. Au bout du lac, seulement 500 fr. sont déductibles, soit l’équivalent d’un abonnement annuel des transports publics valable dans le canton (colonne A du tableau).
Un contribuable genevois qui habite à 9 km de son lieu de travail et peut prouver qu’il est contraint de se déplacer en voiture (lire plus bas) aura ainsi droit à une déduction de 2772 fr. pour l’IFD, mais de 500 fr. seulement pour la part cantonale de l’impôt. Il suffit, en fait, que son domicile soit situé à plus de 1,6 km de son emploi pour qu’il ne puisse plus déduire la totalité de ses frais de déplacement en
voiture ( B ).
Voiture privée ou transports publics?
Généralement, les frais effectifs du trajet en transports publics entre le domicile et le travail sont retenus pour la déduction. Il s’agit donc, le plus souvent, du prix d’un abonnement de parcours ou de zones jusqu’à concurrence du coût d’un abonnement général CFF (3860 fr. en 2e classe en 2018). En Suisse romande, seul le canton de Vaud fait exception: une tabelle remplace les frais effectifs. Pour une distance domicile-travail de 10 km, par exemple, la déduction se monte à 2372 fr.
De plus, à Fribourg, dans le Jura et à Neuchâtel, pas question de prendre le bus pour deux ou trois arrêts: selon le guide fiscal de ces cantons, la distance entre le domicile et le lieu de travail doit être supérieure à 1,5 km pour qu’une déduction fiscale soit accordée.
Les contribuables qui utilisent leur véhicule privé pour aller travailler, eux, ne peuvent pas prétendre à une remise plus importante, à moins de prouver que l’utilisation des transports publics n’est raisonnablement pas exigible:
⇨ s’ils sont infirmes ou en mauvaise santé;
⇨ si les arrêts des transports publics sont trop éloignés de leur domicile ou de leur lieu de travail;
⇨ si leurs horaires de travail ne sont pas compatibles avec ceux des transports publics (par exemple très tôt le matin ou très tard le soir);
⇨ si l’exercice de leur profession rend le véhicule privé indispensable.
Certains cantons ont précisé ces conditions. A Zurich, par exemple, l’arrêt le plus proche des transports en commun doit se trouver à plus d’un kilomètre du domicile ou du lieu de travail; un trajet en véhicule privé est aussi toléré lorsqu’il fait gagner plus d’une heure par rapport au bus ou au train.
Tout n’est pas permis
Si l’une de ces quatre conditions est remplie, il est possible de déduire ses frais de déplacement sur la base d’une indemnité kilométrique, dégressive au-delà d’une certaine distance. Exemple: un infirmier à plein temps, domicilié à Vallorbe (VD), commence son service tous les matins à 6 heures au CHUV de Lausanne. Comme aucun transport public ne lui permet d’atteindre sa destination dans les temps, il peut déduire 12 950 fr. de frais de déplacement (voir tableau, chiffre 1).
Attention: à partir d’une certaine distance, la déduction risque d’être refusée par l’administration fiscale. Reprenons le cas de notre infirmier de Vallorbe et admettons qu’il trouve un emploi aux Hôpitaux universitaires de Genève, sans avoir trouvé de logement plus proche dans l’immédiat. S’il fait tous les jours l’aller-retour en voiture, il pourrait prétendre à une déduction de 20 650 fr., car la distance approche les 100 km (voir tableau, chiffre 2). Dans pareil cas, toutefois, ses allers-retours quotidiens seront probablement considérés comme inadaptés à la situation. En effet, il pourrait très bien louer une chambre à Genève durant la semaine et retourner chez lui le week-end… Dès lors, rentrer tous les soirs tient du choix de vie et non plus d’une nécessité. Selon la jurisprudence en la matière, la déduction accordée sera alors composée des frais d’un unique trajet par semaine, additionné du coût de location d’une chambre.
Les salariés qui rentrent chez eux à midi pour manger peuvent ajouter ces kilomètres à leur «compteur» journalier (toujours dans le cas où le trajet en véhicule privé a été justifié). Cette déduction supplémentaire est cependant plafonnée, dans la plupart des cantons, au niveau de celle accordée aux employés qui doivent prendre leur repas hors du domicile.
À moto ou à vélo
Pour les trajets en scooter ou en moto, la même règle que pour l’automobile s’applique: l’employé doit prouver qu’il ne peut pas utiliser les transports publics, sans quoi ses frais de déplacement sont plafonnés au niveau de ce qu’il payerait en prenant le bus ou le train. S’il peut justifier l’utilisation d’un véhicule privé, l’indemnité kilométrique est fixée à 40 ct./km. Quant à ceux qui pédalent pour aller travailler (même chose pour ceux qui pédalent moins grâce à un vélo électrique ou un vélomoteur), ils peuvent déduire 700 fr. par an… sauf à Genève, où le maximum reste strictement fixé à 500 fr.
Vincent Cherpillod
Guide pratique: comment déclarer ses impôts
L’édition 2018 de notre guide Comment déclarer ses impôts est disponible depuis le début de l’année. Sa force: il n’a pas été écrit par un fiscaliste, mais par un contribuable lambda, qui paie ses impôts depuis plus de quarante ans et découvre, chaque année, des nouveautés et autres petits détails qui lui permettent de remplir sa déclaration au mieux.
Au fil de la lecture, vous découvrez comment remplir votre déclaration en omettant le moins possible de déductions. Voire même sans en rater une seule, grâce notamment à l’indication des spécificités cantonales. Bien entendu, ce guide ne permet pas de contourner la loi: payer moins d’impôts en profitant de toutes les déductions autorisées ne signifie pas tricher, mais simplement payer exactement ce qu’il faut. Six pages sont spécifiquement consacrées à la déduction des frais de déplacement, qui a changé à partir de la déclaration fiscale 2016.
⇨ Comment déclarer ses impôts, 2018
Paul Coudret, Bon à Savoir, (7e édition).