En 2016, plus de 330 000 personnes ont reçu des soins à domicile et 120 000 ont eu recours à une aide extérieure pour assumer les tâches domestiques. Cette année-là, le total des charges s’est élevé à 2,3 milliards de francs: dans ce secteur, on ne parle pas de «patients», mais de «clients».
Voilà pour les chiffres. Sur le plan humain, la démarche n’est pas anodine. Ouvrir sa porte à un inconnu, accepter de l’aide pour sa toilette intime ou faire ses courses, cela ne va pas de soi. Et c’est sans parler de l’aspect financier: quel est le prix de ces interventions, et qui les paiera? Vaut-il la peine de comparer les prestataires? En collaboration avec nos collègues de On en parle (RTS-La Première), nous avons tenté de cerner les enjeux d’un domaine en pleine effervescence.
Le public pèse lourd
En Suisse, trois types de prestataires sont actifs dans le domaine: les centres médico sociaux ou réseaux de santé à but non lucratif, les organisations de soins privées et les infirmières indépendantes. Tous sont soumis à autorisation pour prodiguer les soins remboursés par l’assurance maladie (lire page 21). Les organismes publics se taillent la part du lion en assumant près des trois quarts des prestations selon l’OFS. Les entreprises privées (22%) et les infirmières indépendantes (3,6%) se partagent le reste en grignotant chaque année de nouvelles parts de marché.
Nous avons d’abord établi, pour chaque région, une liste des organisations de soins à domicile autorisées en Suisse romande, privées ou publiques, soit une cinquantaine*. Toutes ont ensuite reçu un questionnaire détaillé. Nous n’avons pas tenu compte des infirmières indépendantes, des institutions spécialisées ou de celles qui réservent leurs services à des appartements protégés. Les deux tiers nous ont répondu.
Sur la base des réponses, nous avons ensuite dégagé des tendances quant à l’organisation des soins et des prestations reconnus par l’assurance de base (lire encadré «Un fossé entre Bienne et Sion»). Nous avons aussi comparé les tarifs pour les prestations d’aide et d’accompagnement qui ne sont pas prises en charge par l’assurance maladie (lire encadré «Tarifs inégaux»).
Pansements et accompagnement
Ces résultats n’ont pas de valeur statistique, car la réponse de l’association faîtière d’un gros canton pèse évidemment plus lourd qu’un organisme limitant ses activités à une région. Idem pour les structures privées, qui affichent des effectifs très divers. A noter que ces dernières sont davantage présentes dans l’Arc lémanique que dans les cantons périphériques.
La plupart des institutions proposent toute la palette des soins médicaux et d’hygiène prévus dans la LAMal. Parmi les privés qui nous ont répondu, un organisme ne traite pas les plaies et un autre refuse les cas lourds (hospitalisation à domicile).
En pyjama jusqu’à midi
Deux reproches sont récurrents parmi les bénéficiaires des soins. D’une part, les aînés apprécient peu de ne pas pouvoir s’organiser en fonction de l’heure de passage ou de devoir attendre la fin de la matinée pour s’habiller et faire leur toilette. Ils déplorent, d’autre part, le défilé d’intervenants qui se succèdent au fil du temps, empêchant toute relation de confiance durable.
Du point de vue du personnel soignant, s’il est évidemment impossible de sonner à la porte de tous les patients à 8 heures précises, l’indication du moment de passage est déjà précieuse. La plupart des prestataires indiquent tenir compte des souhaits des patients pour la fixation des horaires de visite. Ceux qui le font avertissent souvent le client à partir d’une demi-heure de retard.
Le secteur public se différencie en revanche du privé par un tournus du personnel soignant plus élevé. L’aîné qui reçoit chaque jour la visite d’un professionnel de la santé verra ainsi défiler en moyenne plus de sept visages différents sur un mois s’il fait appel à un organisme public. Les prestataires privés envoient en moyenne moins de cinq intervenants pendant la même période. De manière générale, plus il y a de visites et plus le tournus sera élevé.
Toujours sur le pont
«Nous sommes conscients du problème», explique Pauline Schoos, directrice du Service d’aide et de soins à domicile pour le vallon de Saint-Imier. «Il nous est toutefois impossible de respecter une heure de passage en tenant compte des habitudes de réveil ou de coucher, ainsi que le genre du personnel soignant, et d’envoyer le même intervenant sept jours sur sept. Sans parler des jours de congé, des vacances et des pépins de santé.»
Les prestataires publics expliquent être soumis à l’obligation de prise en charge dans des délais très brefs et ne jamais annuler une visite. Parmi les réponses reçues, quelques organismes privés nous ont en effet indiqué avoir refusé des patients pendant le mois écoulé.
Consultation sociale
Les acteurs se différencient également sur la palette des prestations dès qu’on dépasse les soins de base. Dans le domaine de l’aide et de l’accompagnement, les services sont variés: ménage, aide pour les courses, compagnie, lecture, repas, veille... Le canton de Vaud se distingue par la consultation sociale proposée aux bénéficiaires de soins. Dans les autres cantons, ce service n’est pas systématique. Il faut alors se tourner vers Pro Senectute ou la Croix-Rouge.
Quant aux piquets de veille de nuit ou à la livraison de repas, ils sont souvent proposés par des services spécialisés dans ce domaine ou en collaboration avec un EMS.
Pour les aînés, la richesse et la diversité de l’offre existante devrait permettre de chercher la solution la plus adéquate, quitte à panacher les interventions en fonction des besoins. «Tous les acteurs ont leur place et la guéguerre stérile entre privés et public n’a pas de sens», conclut Pauline Schoos.
Claire Houriet Rime
Lire le bonus web: Liste des prestataires de soins à domicile autorisés en Suisse romande
Combien ça coûte?
Un fossé entre Bienne et Sion
Les soins infirmiers ou d’hygiène dispensés à domicile sur prescription médicale sont à la charge de l’assurance de base. Cette règle est valable pour tous les prestataires autorisés, publics ou privés. Le montant de cette participation varie selon la complexité de l’intervention entre 54.60 fr. (toilette) et 79.80 fr. (évaluation du cas) par heure, frais de déplacements compris. Ces prestations sont soumises à la participation du patient par le biais de la franchise et de la quote-part (10% des coûts jusqu’à 700 fr. par an).
Le reste de la note est payé par le canton. Mais attention: celui-ci peut en reporter une partie sur le patient, mais seulement jusqu’à 15.95 fr. par jour. C’est l’option prise par le canton de Berne depuis 2018, avec une facture qui peut dépasser ainsi 480 fr. par mois, selon la durée des soins. De son côté, le Jura facture un forfait journalier de 5 fr. A Genève, la note est proportionnelle au revenu, mais elle ne dépasse pas 8 fr. par jour. En Suisse romande, Fribourg, Neuchâtel, Vaud et le Valais prennent en charge l’intégralité de la note: dans ces cantons, les soins sont gratuits.
Aide et accompagnement
Tarifs inégaux
Les travaux ménagers, la préparation des repas, l’accompagnement pour aller faire ses courses ou partager une tasse de thé ne sont pas couverts par l’assurance de base. Ils sont en revanche partiellement pris en charge par certaines assurances complémentaires. Le prix de l’heure est en moyenne de 40 fr. Quasiment tous les privés facturent un forfait identique pour l’aide et l’accompagnement à leurs clients.
Dans le secteur public, la plupart des organismes subventionnés modulent cette note selon le revenu ou la couverture d’assurance du patient. A Fribourg, le prix d’une heure d’aide domestique varie ainsi entre 5 fr. et 32 fr. Elle oscille entre 13 fr. et 30 fr. en Valais, entre 18 fr. et 42 fr. dans le Jura, entre 15.75 fr. et 31.45 fr. à Genève. Vaud facture au maximum 26 fr. et Neuchâtel 35 fr. Ces deux cantons prévoient une aide selon le revenu. Dans le Jura bernois, la fourchette diffère selon les régions.