Céleri, crustacés, noisettes, poisson, moutarde et on en passe. Les aliments susceptibles de mettre en danger les personnes allergiques sont nombreux et peuvent conduire tout droit aux urgences. D’où l’importance de disposer d’indications complètes et accessibles en temps réel.
En Suisse, l’arsenal juridique sur les allergènes alimentaires a subi un toilettage important en 2017. Il prévoit une réglementation plus stricte en matière d’étiquetage et d’information, s’alignant ainsi avec les prescriptions qui étaient déjà en vigueur dans l’Union européenne. Ainsi, la législation fédérale sur les denrées alimentaires arrête une liste de quatorze ingrédients potentiellement allergènes qui doivent obligatoirement figurer, par écrit et de manière visible, sur les produits conditionnés et emballés. Il s’agit concrètement d’aliments achetés dans la grande distribution, des viennoiseries et des autres plats à l’emporter.
Appel au bon sens
Pour les mets dégustés dans les restaurants ou les cantines, la loi exige uniquement une information par oral. En amont, les restaurateurs sont toutefois tenus d’indiquer, par écrit à leurs clients, qu’ils peuvent obtenir des renseignements de vive voix sur la composition de leurs plats. Aussi, ils doivent s’assurer que le personnel est formé pour fournir sans délai des informations sur l’éventuelle présence d’ingrédients allergènes. GastroSuisse, organisation faîtière de l’hôtellerie-restauration, souligne que des efforts ont été entrepris pour sensibiliser ses membres sur cette thématique. Elle propose notamment un guide des bonnes pratiques sur le sujet et une offre de formations et de conseils personnalisés aux restaurateurs.
Quel regard porter sur ces nouvelles normes, deux ans après leur entrée en vigueur? François Spertini, médecin-chef du Service d’immunologie et d’allergie du CHUV à Lausanne, estime que l’information orale est une solution adaptée et satisfaisante dans les restaurants. Selon lui, lister tous les allergènes sur une carte de menu reviendrait à «médicaliser la restauration», ce qui n’est pas l’objectif souhaité. Il en appelle plutôt au professionnalisme des cuisiniers, qui doivent connaître les ingrédients sensibles. Le bons sens des consommateurs est, lui aussi, important: en cas d’allergie unique, manger au restaurant reste, d’après François Spertini, une option accessible. Mais il la déconseille aux personnes qui souffrent d’allergies multiples.
Bilan globalement positif
De son côté, le Centre d’allergie suisse se dit très satisfait de la nouvelle réglementation, tant pour l’indication sur les produits que l’information orale dans les restaurants. «Ces mesures permettent, en plus, une meilleure connaissance et reconnaissance des problèmes liés à une allergie alimentaire», souligne-t-il. François Spertini ne partage pas le même enthousiasme au sujet de l’étiquetage des aliments. Il estime que «trop d’informations tue l’information». Le risque? Certains fabricants ont tendance à user, voire à abuser de précautions pour éviter un éventuel procès en responsabilité si leur produit venait à provoquer une réaction allergique.
«Plus de transparence et de sécurité = meilleure qualité de vie pour les personnes souffrant d’allergies alimentaires.» Cette formule du Centre d’allergie suisse résume, en définitive, assez bien l’apport des modifications législatives en matière d’étiquetage et d’information sur les produits. Ces mesures sont-elles efficaces et suffisantes? Le débat reste ouvert, mais leur nécessité est, en tous les cas, indiscutable.
Tiffany Bolema
Entre allergie et intolérance
Selon le Centre d’allergie suisse, entre 2% et 6% des enfants et 2% et 4% des adultes dans notre pays souffriraient d’allergies alimentaires. Il s’agit de réactions excessives du système immunitaire face à des substances en principe inoffensives contenues dans certaines denrées. Pour se défendre, le corps réagit plus ou moins violemment: des réactions cutanées, des vomissements et, dans les cas les plus extrêmes, des chocs anaphylactiques, soit un gonflement des voies respiratoires susceptibles d’entraîner la mort.
Parmi les quatorze allergènes listés dans la législation suisse, on retrouve des aliments bien connus comme le céleri, les noix ou les arachides, mais aussi certains plus atypiques, tels que la moutarde, les sulfites ou le lupin.
Si la thématique de l’allergie suscite de plus en plus d’intérêt, on la confond encore souvent avec l’intolérance alimentaire. C’est le système digestif qui est alors en cause, le corps ne parvenant pas à digérer correctement le lactose ou le gluten, par exemple.