Le smartphone nous suit partout, souvent collé à notre corps dans une poche, y compris lorsqu’on le couple à des écouteurs. Les scientifiques s’interrogent de plus en plus sur l’impact sanitaire de cette proximité. Car les mobiles émettent des ondes électromagnétiques, essentiellement lors des conversations et des transferts de données.
Dix-neuf appareils concernés
Ces rayonnements doivent néanmoins respecter des normes. A hauteur du tronc, les valeurs DAS, qui font référence en Suisse comme en Europe, imposent, depuis juin 2017, un maximum de 2W/kg à une distance de 5 mm du tronc humain. Or, certains appareils, dont 19 téléphones récents, dépassent cette limite, selon les mesures réalisées par l’Agence nationale française des fréquences (ANFR).
Bon nombre de mobiles commercialisés avant 2017 sont dans le même cas. Ils étaient conformes à la précédente législation, qui permettait aux fabricants de mesurer le DAS Tronc à 2,5 cm du corps. Mais leur rayonnement est excessif, à une distance plus réaliste de 5 mm du corps.
Parmi les smartphones récents, on trouve des modèles de marques connues, comme le Huawei Honor 8 ou les Nokia 3, 5, 6.1 qui dépassent les normes. Les géants Samsung et Apple n’ont, en revanche, pas été pris en faute.* Et, bonne nouvelle, l’ANFR a poussé les fabricants à proposer des mises à jour logicielles. Ces updates permettent d’abaisser le DAS, à condition que les utilisateurs les téléchargent.
Plusieurs centimètres dans le corps
Les relevés de l’ANFR ont incité l’Etat français à solliciter l’Agence de sécurité sanitaire (ANSES) pour évaluer les effets sanitaires des DAS «tronc» excessifs. Après deux ans d’enquête, le comité d’experts souligne que «la pénétration des rayonnements dans le corps peut être considérée comme significative jusqu’à plusieurs centimètres à l’intérieur du corps».
Ainsi, «plusieurs organes peuvent être potentiellement exposés, en plus de la peau: le cœur, le système digestif, l’appareil reproducteur, etc.». Mais le risque réel est mal connu. Les études indiquent que des expositions supérieures à 2W/kg ont des effets biologiques sur l’activité cérébrale, lorsque l’appareil est collé à l’oreille, mais elles n’apportent pas de réponse sur les incidences au niveau du tronc. L’ANSES relève aussi que les mesures DAS de l’ANFR correspondent à une situation extrême dans laquelle l’appareil émet à puissance maximale pendant toute la durée du test.
De quoi être rassuré? Pas forcément. Selon le rapport, les études ont porté essentiellement sur les conséquences de l’échauffement des tissus provoqué par les radiofréquences: «Or, les questionnements actuels sont principalement axés sur la possibilité qu’elles puissent être à l’origine d’autres effets qui pourraient survenir à des plus faibles expositions», soulignent les auteurs.
Des normes à revoir
Face aux incertitudes, l’ANSES recommande de durcir les normes. Dans ses conseils globaux, l’agence préconise, entre autres, d’utiliser des kits mains libres et, plus généralement, de privilégier l’acquisition de téléphones émettant les DAS les plus faibles*. Les DAS sont disponibles, pour la tête, sur les notices des appareils ou sur internet et, pour le tronc, sur le site de l’ANFR.
Sébastien Sautebin
Bonus web: Les rayonnements DAS de 50 mobiles
Les conseils de l’expert
«Il est important de savoir qu’un téléphone mobile, près du corps, est de loin la source de rayonnements non ionisants la plus importante dans notre vie quotidienne», souligne Martin Röösli, professeur à l’Institut tropical et de santé publique suisse ainsi que directeur de Berenis, le groupe consultatif d’experts en rayonnements non ionisants pour l’Office fédéral de l’environnement. Selon lui, les mesures qu’on peut adopter sont simples: «Réduire les durées d’utilisation et maximiser la distance avec le corps, en utilisant, par exemple, des écouteurs.» En stand-by, les émissions dépendent du nombre d’applications, de notifications, etc. Eteindre le téléphone ou le mettre en mode avion lors de longs trajets permet de réduire l’exposition.
En revanche, les coques anti-ondes ne sont pas recommandées, car le téléphone émet plus puissamment pour compenser cette barrière, et les patchs antirayonnement ne servent à rien.
Martin Röösli souligne encore que les conditions de connexion jouent un rôle fondamental: «Nos mesures montrent qu’utiliser un appareil une seule seconde avec une mauvaise liaison engendre le même rayonnement qu’une semaine entière dans des conditions optimales! Je sais que beaucoup de gens n’aiment pas entendre cela, mais les détenteurs de mobiles qui vivent dans les zones où il y a peu de stations de base sont les plus exposés.»